AU REVOIR LÀ-HAUT
Albert Dupontel

DeterreAlbert Dupontel nous avait habitués à des comédies féroces ou potaches (9 mois ferme, Le Vilain …) parfois très grinçantes (Bernie), autant de prétextes à faire vivre une galerie de personnages, ceux-là même qu’il avait créés dans sa vie antérieure d’humoriste. Avec Au-revoir là-haut, le réalisateur sort de sa zone de confort et s’attaque à un sujet tragi-comique, qui plus est dans un contexte historique.

Ce défi est relevé avec bonheur, tant par la qualité de la photo (saluons le travail de Vincent Mathias, qui avait déjà collaboré avec Dupontel sur 9 mois ferme, qui doit beaucoup à l’esthétique développée par Caro et Jeunet au début des années 2000) que la mise en scène, foisonnante : en donnant une vie propre aux décors (la représentation, entre-autres, de la cohue qui suit l’armistice lors de la démobilisation ou à l’hospice, le Paris des classes sociales d’après-guerre, les métamorphoses du soldat Péricourt …), un véritable dynamisme naît, dénotant du sens du détail du réalisateur. Au revoir là-haut déborde d’un enthousiasme qui illustre parfaitement cette période tourmentée qui a vu le premier conflit mondial se terminer dans le chaos. Les deux personnages principaux ont survécu, frôlant la mort au dernier jour du conflit, et se retrouvent, brisés chacun à leur manière, dans un Paris ignorant tout de la fureur et du sang qui régnaient pourtant en maîtres à quelques centaines de kilomètres de là.

Leurs destins, qu’ils ont lié de manière éternelle sur le champ de bataille, n’a rien d’héroïque ou de glorieux. Pourtant l’escroquerie qu’ils vont manigancer ne manque pas d’un certain panache et donne à voir, avec une certaine jubilation, la médiocrité des profiteurs pour qui la mort est rentable. La réussite principale du film tient au récit de ces deux trajectoires forcément touchantes : celle d’un pragmatique comptable, besogneux sans le sou, et d’un artiste aux ailes – et à la gueule – cassées.

En nous rendant complice des méfaits commis par les protagonistes, le réalisateur nous donne à réfléchir sur l’Histoire telle qu’elle nous a été transmise. L’Etat veut rendre hommage à ses héros de manière ostensible, montrer sa reconnaissance. Depuis, les monuments aux morts garnissent tous les villages de France et l’on maintient encore aujourd’hui les cérémonies. Devoir de mémoire nécessaire, mais mémoire de quoi exactement ? Héroïsme, courage, patriotisme ? Moralement, les hommes que ces édifices célèbrent se sentent indifférents. La réalité de leur retour à la vie civile, avec le sentiment d’avoir été sacrifiés à la boucherie d’abord et d’être oubliés par la mère-patrie ensuite, est aux antipodes des sentiments exaltés par ces statues. Au-revoir là-haut n’a pas en apparence la gouaille corrosive et anarchiste que l’on retrouvait dans les précédents travaux de Dupontel. Sûrement est-ce dû au besoin de retranscrire fidèlement le roman éponyme de Pierre Lemaître, qui participa à l’adaptation de son roman. Toutefois, ce métrage introduit avec délicatesse quelques idées, qui, en les creusant, pourront se révéler plus polémiques qu’il n’y paraît. Pas de critique au vitriol donc, mais une histoire épique et passionnante, qui, mine de rien, n’a pas « que » la volonté d’offrir au spectateur un ballet de couleurs et d’émotions.

François Armand

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Au revoir là-haut de Albert Dupontel (France ; 1h57)

Date de sortie : 25 octobre 2017

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