Therapy?
Backstage by The Mill, 18 Janvier 2016

FocusCe concert de Therapy ? le 18 Janvier 2016 au Backstage by The Mill était le condensé de tout ce que le groupe Irlandais n’est pas. Surprise (et déception un peu), mais au final, c’était l’événement qu’il fallait pour nous faire avancer dans la compréhension de ce trio de vétérans, dont le punk, aussi viscéral que cérébral, revêt, depuis vingt cinq ans, une forme suffisamment protéiforme pour interroger et susciter ce qui s’apparente à de la passion.

Punk ? Ce n’est heureusement pas aussi simple et c’est même le cœur du débat concernant Therapy ?, voire même la raison pour laquelle son succès a été aussi éphémère (en gros de 1994 à 1996). Trop pop pour les anarchos convaincus, trop bruyant pour les amateurs de mélodies efficaces. Car quel groupe de punk peut prétendre avoir une voix de ténor aussi puissante et mélodique que celle d’Andy Cairns ? Quel groupe de punk s’écartèle avec autant d’aisance entre pop et métal alternatif ?

Ce 18 Janvier, Therapy ? avait cependant choisi son camp. Sale, parfois mal joué, mal chanté, uniforme, mais avec une énergie folle. L’interprétation était sans nul doute… Punk. Et après ce set en demi-teinte, on se rend compte (au-delà du fait que ce n’était peut-être pas le soir de Cairns, qui a fini par trouver sa voix seulement à mi-concert) à quel point Therapy ? a toujours mis un point d’honneur à soigner les apparences de sa bestialité dans chacun de ses disques. Des disques dont on pourrait penser de loin que les compositions, qui ont toujours oscillé entre brutalité et séduction, groove et science du riff, se ressemblent. Derrière l’image brute de décoffrage de Therapy ? se cache définitivement une vraie science du son et de la production.

A ce titre, il peut être fascinant d’écouter la discographie de Therapy ? d’affilée : on mesure alors à quel point le trio a su développer avec les années une capacité à renouveler son image sonore en restant fidèle à son état d’esprit : pas d’étiquettes, mais de la puissance, et parfois du lyrisme. Andy Cairns n’est pas seulement un riffeur doué, c’est un savant de la distorsion, un manipulateur de pédales hors-pair qui réinvente ses sons de guitare à chaque album. Michael McKeegan n’est pas juste un bassiste sautillant qui accompagne, c’est un musicien qui choisit souvent avec bonheur quand il doit interagir avec son batteur (pour enflammer le groove) ou son guitariste (appuyer et/ou affiner les mélodies). Quant au propulseur, la batterie, elle a toujours été un élément prépondérant du groupe. Et si Therapy ? est si en forme depuis une dizaine d’années en dépit de son statut de gloire émoussée, c’est en grande partie grâce à Neil Cooper, le batteur actuel, dont Cairns affirme qu’il est le meilleur des trois qu’ils aient eu. Il faut dire que la richesse de son jeu et la peau ultra tendue de ses toms décuplent fréquemment la puissance des motifs, jouissifs et primaires, que tissent Cairns et McKeegan.

Dans la composition et sur scène, la force d’un trio rock tient clairement à l’implication égale de chacun de ses membres. Cette vérité s’applique parfaitement à Therapy ? qui met sur un pied d’égalité chaque instrument (sans compter, on l’a dit, la voix si particulière de Cairns). Mais il semble en revanche impossible aux Irlandais de reproduire en live le soin apporté à l’habillage sonore de chacun de ses disques, et donc de ses chansons, tant la production a pris, avec les années, une importance considérable. Cet habillage contribue, presque autant que les chansons elles-mêmes, au plaisir renouvelé d’écouter un groupe qui semble avoir trouvé la recette de l’élixir de jouvence : penser chaque disque comme si c’était le premier.

François Corda

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