Pascal Bouaziz
haïkus

RevueOui, OK, on a déjà interviewé Pascal Bouaziz récemment pour son projet parallèle Bruit Noir. Et alors ? On n’y peut rien, nous, si Haïkus, au même titre que I-III il y a quelques mois, s’impose comme l’un des albums majeurs de l’année (voire plus) ! Discussion autour d’un petit bijou pop à la française, délicat, beau et fragile comme de la porcelaine.

François Corda : Comment s’est passée la tournée de Bruit Noir, comment a réagi le public face à ce projet très atypique ?

Pascal Bouaziz : Pour autant que je puisse en juger moi-même j’ai l’impression que le public a très bien réagi. Mais le « public » je trouve que ça ne veut pas dire grand-chose. Le public qui vient voir Bruit Noir est de toute façon lui-même déjà atypique. Par ailleurs la plupart des gens sont beaucoup moins cons et plus fins qu’on veut bien nous le faire croire, ou que les artistes qui leur proposent de la bouillie aimeraient qu’ils le soient.

La plupart des gens dans la salle prennent le truc comme ils sont eux-mêmes. Avec humour quand ils en ont, avec sérieux quand ils en ont, en quittant la salle rapidement sans rien comprendre quand ils ne veulent pas ou ne peuvent pas comprendre. Ça arrive mais c’est rare, et c’est pas très grave. Quelqu’un qui fait des choses qui sont pour tout le monde ne fait pas grand-chose à l’arrivée.

FC : Six années ont séparé Personne ne le fera pour nous du triple album éponyme sorti en 2013, et maintenant deux disques en six mois ! Comment expliques-tu cette frénésie tout à coup ?

PB : Peut-être que je suis moins déprimé et donc plus énergique et productif. Peut-être que c’est un contrecoup de la crise de la quarantaine. Peut-être que c’est le hasard et qu’il faut prendre les choses comme elles viennent quand elles viennent. Surtout quand elles viennent bien.

FC : En quoi Haïkus est-il un disque de Pascal Bouaziz et non de Mendelson, alors que l’on y retrouve des habitués du groupe comme Pierre-Yves Louis ou Sylvain Joasson ?

PB : Question difficile pour moi, mais je savais de manière très claire en l’écrivant que ce disque n’était pas un disque de Mendelson. Une manière simple de répondre c’est de dire que dans Mendelson, la plupart du temps, toute la musique est écrite de façon collégiale et que là j’ai tout composé tout seul.

Le disque Haïkus est chanté, sur des textes très courts, dans une ambiance très acoustique, douce et chaleureuse là où la plupart du temps chez Mendelson les textes sont fleuves, parlés chantés, dans une ambiance très électrique, froide et dure.

Il me semble qu’il y a un monde entre « Les Heures », 54 minutes sur Mendelson#5 et les 1 minutes 24 secondes de « L’Être Humain » sur l’album Haïkus.

FC : Quand le disque a-t’il été composé et dans quel état d’esprit ?

PB : Il a été composé je ne me souviens plus trop quand sur la période qui précède ou suit tout juste Bruit Noir, avec au départ pour contrainte, l’idée de faire ça chez moi, tout seul, de n’utiliser qu’un seul micro, toujours la même guitare, qu’une seule phrase par chanson, et ma seule voix. Et puis la contrainte a explosée d’elle-même quand les chansons m’ont semblé mériter plus que de n’être que de vulgaires concepts. D’où le choix après écriture de les enregistrer en studio avec des amis très proches, dans un studio (Midi Live à Villetaneuse) que je connais très bien et dans lequel je pourrais presque faire comme à la maison.

Il a été composé aussi en écho au livre Passages, que je viens de publier chez Le Mot Et Le Reste. Qui est le projet frère de l’album. Et qui est né à peu près en même temps.

FC : Haïkus a été enregistré live et mixé en trois jours. Qu’est-ce qui a provoqué cette « urgence » dans la phase finale ?

PB : Le budget ! Bien sûr mais aussi et surtout l’envie de retrouver la simplicité, la pureté si l’on peut dire et l’impression d’immédiateté des premiers enregistrements de Billie Holiday, Charlie Patton, Duke Ellington, un seul micro, quel que soit l’orchestre, et la gravure du 78 tours en direct derrière la vitre du studio.

On a fait ça différemment mais en essayant de retrouver cet esprit « sans filet », live en studio y compris le mixage : grosse pression pour l’ingé son Sylvain Biguet qui a relevé le défi haut la main. Grand talent.

FC : Quel que soit le projet, Mendelson, Bruit Noir ou ce Haïkus, tant musicalement qu’au niveau de l’écriture, je ne trouve pas d’équivalent dans la chanson française, ni même dans le monde plus vaste de la pop. Te sens-tu tout de même redevable de certains artistes ?

PB : C’est très gentil mais oui bien sûr je me sens très redevable à des dizaines et des dizaines d’artistes, français – Lou, Michel Cloup, Katerine, Dominique A., Barbara, Brigitte Fontaine, David Mac Neil, Nino Ferrer, Léo Ferré, Gérard Manset… sans compter les anglo-saxons – Low, Earth, Cohen, Dylan, Townes Van Zandt, Neil Young, etc…

Mais c’est très gentil.

FC : Est-ce qu’on pourrait considérer Haïkus, doux et très mélodique, comme un remède à la frontalité et l’aridité de Bruit Noir ?

PB : Un remède, oui. Peut-être plutôt l’autre partie du cerveau d’un schizophrène. On pourrait même tenter de simplifier l’équation comme ça : Bruit Noir + Haïkus = Mendelson. Mais peut-être que c’est un peu trop simple comme calcul et c’est faire l’impasse sur l’importance de Jean-Michel Pirès dans Bruit Noir qui en est l’architecte et l’unique compositeur et sur tous les membres de Mendelson, tous compositeurs à part entière.

FC : Cela fait bientôt vingt ans que tu écris et composes. Qu’est-ce qui a changé depuis ce temps dans ta façon d’aborder la création d’une chanson ?

PB : Pas grand-chose. Je me sens toujours aussi incapable d’écrire une chanson avant qu’elle ne soit écrite et j’ai toujours l’impression que celle que je viens d’écrire sera la dernière que j’arriverai jamais à écrire. C’est toujours un petit miracle inexplicable pour moi. Depuis « Par Chez Nous » sur le 1er album jusqu’à « Loin » sur ce dernier.bub

François Corda

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Pascal Bouaziz / haïkus

Date de sortie : 27 mai 2016

 

bub

 

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