Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force & Creed : L’Héritage de Rocky Balboa
J. J. Abrams & Ryan Coogler

EnterreQu’il s’agisse du pathétique Creed (qui n’a même pas l’honnêteté de s’appeler Rocky 7) ou du semi-échec de Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force, le constat est le même : Hollywood, dans l’incapacité de développer de nouvelles figures mythologiques, feint l’hommage ambitieux en masquant mal son idôlatrie.

Une scène résume à elle seule l’échec de Creed. Adonis, fils caché d’Apollo Creed, ancien adversaire mythique de Rocky, dévale des rues de banlieue sous un torrent de hip-hop, accompagné de loubards en moto adeptes du wheeling pétaradant, façon Mad Max. Un court instant, on a la sensation que le film va, après 1h30, enfin prendre son envol. Jusqu’à ce qu’Adonis et son équipe arrivent sous la fenêtre d’un Rocky sous chimio et fassent un boucan d’enfer en son honneur. Tout est là : le cœur de Creed n’est pas Adonis mais Rocky, un Rocky qui refuse de crever. Stallone, mauvais comme pas permis, semble atteint d’une paralysie faciale dès lors qu’il aligne plus de deux mots.

Cette séquence muette symbolise, entre autres, la nullité des dialogues de Creed, qui préfère noyer son film sous la musique (souvent du hip-hop bon marché donc) plutôt que de faire parler ses personnages, tous plus stéréotypés les uns que les autres. Mais elle est surtout l’aveu accablant que, sous ses airs de spin off, Creed n’a pas su trouver une légende à la hauteur de son modèle. Le film se rabat donc, tête baissée, sur une figure périmée, mais devenue universelle et intouchable. L’ « hommage » confine au ridicule quand Rocky, tel un vieux papi sénile, se met à lire le journal à sa défunte femme au cimetière. Il y avait pourtant un joli terreau à exploiter dans Creed : un jeune homme élevé dans le luxe rattrapé par les racines enfouies et cogneuses de son père, qui délaisse l’argent facile de la finance pour s’abîmer les mains. Et que voit-on ? Encore une fois, un Noir qui grandit dans l’ombre d’un vieux sage blanc. Quand en finira-t-on avec ces vieux modèles réac’ ?

Les enjeux de Star Wars, épisode VII sont (heureusement) ailleurs, dans une tentative revendiquée d’équilibre entre déférence et lifting. Le choix d’Abrams en tant que réalisateur n’a strictement rien de surprenant quand on sait qu’il a soi-disant redonné ses lettres de noblesse au space opera avec deux Star Trek pourtant sacrément désincarnés. Star Wars, épisode VII se situe précisément entre ces reboot proprets et celle, beaucoup plus convaincante et personnelle, d’un Super 8 patiné juste comme il faut.

En guise de nouveau départ, on repassera, puisqu’à chaque fois qu’Abrams s’évertue à dynamiser une figure connue de la saga, il échoue. Un stormtrooper (ré)humanisé en une scène à la naïveté confondante, BB-8 et Poe Dameron/Rey en succédanés respectifs de C-3PO et Luke Skywalker, c’est peu dire que Star Wars, épisode VII commence très mal, le tout dans des décors revendiqués 0 % pixels, mais 100 % déjà-vu. Le film (re)prend vie, et c’est un comble, avec la découverte d’un sabre laser (l’un des symboles, sans doute pas le moins éculé de la série culte) caché dans une boîte ironiquement poussiéreuse.

Mais c’est une chance, on l’avait vu dans Super 8 et cela se confirme dans Star Wars, épisode VII, Abrams est, à l’instar de son père spirituel Spielberg, à l’aise avec les émotions. La scène de rencontre entre Han Solo et Kylo Ren, pic dramatique de l’épisode, situé sur un pont au cœur de l’Etoile de la Mort, est à ce titre admirable. Et c’est ainsi que, par petites touches de mise en scène pure et dure, Abrams finit par imposer dans la deuxième heure sa patte de cinéaste indéniablement doué mais sans doute encore un peu trop « fan de » (un défaut qui, pour le coup, servait parfaitement le propos de Super 8, pur objet nostalgique). Son talent éclate réellement lors d’une poursuite en forêt et d’un combat dans la neige entre Rey et Kylo Ren, d’une magnifique apocalypse galactique servie en seulement quelques minutes, ou quand Rey rejoint Luke Skywalker dans un dernier plan splendide de sérénité.

Le reste n’est qu’anecdote (les combats aériens, nombreux et ennuyeux au possible), tic de scénaristes pressés (conscients sans doute de resucer l’épisode 4, ces derniers nous servent une révélation choc pour contrebalancer leur fainéantise) et fétichisme (les stormtroopers, le casque de Vador, les bestioles de Jakku, planète copiée collée de Tatooine), et puis cette Etoile Noire « subtilement » rebaptisée Etoile de la Mort.

François Cordag

 

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Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force de JJ Abrams (Etats-Unis ; 2h15)

Date de sortie : 16 décembre 2015

Creed : L’Héritage de Rocky Balboa de Ryan Coogler (Etats-Unis ; 2h14)

Date de sortie : 13 janvier 2016

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