Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu & Les Trois frères, le retour
Philippe de Chauveron & Les Inconnus

EnterreDeterreIl paraît que la comédie française va bien. Enfin ce sont les chiffres qui le disent ! Après les vingt millions d’entrées réalisés par Intouchables, les douze millions de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? A côté de tels pachydermes, inutile de dire qu’avec « seulement » deux millions de spectateurs, Les Trois frères, le retour a fait office de cafard l’année passée. Pourtant, entre le notaire gaulliste (c’est Clavier qui le dit) et sa femme dépressive ou le trio de losers petits bras, on choisit haut la main les seconds.

Voilà deux films qui ne peuvent pas s’aimer. Les trois frères, comme chacun sait, ont déjà une sainte horreur des notaires. Didier et Pascal (Bernard dans une moindre mesure puisqu’il est simplement idiot) ne font pas dans le gaullisme, comme Claude Verneuil, mais dans le sardonique, et, dans la vie comme au cinéma, ce n’est pas du tout la même école. Intouchables, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, même combat (si l’on peut dire) : la réconciliation. La nullité formelle, le concours continuel de vannes vaseuses nous oblige à constater que le succès de ces films à la consensualité baveuse est forcément lié, de près ou de loin, à cette idée de réconciliation forcée dans un contexte économique morose qui déteint sur le fameux « moral des ménages ».

Et que ce soit un cinéma ( ?) d’une pauvreté abyssale qui parvienne à réunir la population française autour d’une prétendue fraternité est désarmant. Prétendue parce que (on ne reviendra pas sur Intouchables) dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? on est tous frères ok, mais, attention, seulement quand le frère en question a le même pouvoir économique que nous. Eh oui ! Dans le film de Philippe de Chauveron, le Kabyle est avocat, le Chinois banquier, et le Juif… Va bientôt faire affaire, rassurez-vous. Quant à l’Africain, il est issu d’une famille riche.

A côté le cinéma des Inconnus semble, affreux, sale et méchant… Et surtout beaucoup plus ancré dans le réel. Depuis plus de vingt ans, et en particulier depuis qu’ils se sont lancés dans le cinéma, les Inconnus dessinent un petit catalogue de la vilénie beauf contemporaine. Et c’est parce que leurs personnages sont vraiment racistes, vraiment cons, parce ces acteurs savent s’enlaidir, se rendre ridicules, qu’ils sont drôles. Pour mémoire, quand Claude Verneuil se défend d’être raciste (en singeant Sarkozy, à moins que ce ne soit le contraire, on ne sait plus), il se protège en prétendant qu’il est gaulliste ce qui le garantit d’être, bien entendu, « un homme bien ». Les Inconnus ne s’épargnent jamais, ne se sont jamais positionnés politiquement : bien malin celui qui saura dire de quel bord ils sont tant, depuis leurs débuts, fonctionnaires, artistes, malfrats, hommes politiques, chefs d’entreprise, riches, pauvres, tout le monde est passé à leur moulinette.

Observer la famille métissée de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? s’harmoniser ne fait pas rire parce que le bonheur et les bons sentiments ne font pas rire. La tradition du rire populaire dans le cinéma français (international ?), c’est celle de la méchanceté : Les Aventures de Rabbi Jacob, Les Bronzés, La Chèvre, Le père Noël est une ordure, Le Pari, Les Beaux gosses… Dans tous ces films, le comique naît de conflits, de la bêtise, de la méchanceté gratuite, de la lâcheté, autant de notions que Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? évite soigneusement parce qu’il ne faut fâcher personne.

Ceci étant dit il faut raison garder : Les Trois frères, le retour n’est pas le meilleur film des Inconnus. Il arrive que les bons mots ne soient pas si bons, que la spontanéité ne soit pas toujours au rendez-vous, mais les réalisateurs ont su garder un sens du tempo (leur comédie dure 1h45 tout de même) et du jeu d’acteur sémillant absolument étrangers au film de Philippe de Chauveron. Les Inconnus, même quand ils ne sont pas au top, savent faire le job à minima, et, par éclairs font carrément mouche (le déjeuner de fin, épique). Clavier, lui, fait du Clavier. Et si sa relative sobriété sauve le film par moments, le reste de la distribution est souvent atterrant. A la décharge des acteurs « secondaires », les répliques ou situations qu’ils doivent jouer sont souvent consternantes, et quand elles ne sont pas prévisibles, elles sont trop écrites.

Drame d’une comédie française, qui, depuis des lustres, cherche de nouvelles incarnations (il y aurait bien François Damiens mais encore faudrait-il lui donner un bon rôle), de vrais scénaristes (Francis Veber n’est plus qu’un fantôme), et de vrais metteurs en scène (on attend Riad Sattouf et ses excentricités colorées au tournant).bub

François Corda

 

———

Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu de Philippe de Chauveron (France ; 1h37)

Date de sortie : 16 avril 2014

GG

Les Trois frères, le retour de Didier Bourdon, Pascal Légitimus et Bernard Campan (France ; 1h46)

Dates de sortie : 12 février 2014

bub

 

gg

 

Commencez à écrire et validez pour lancer la recherche.