Jupiter : le destin de l’univers
Les Wachowski

DuelJupiter : Le destin de l’Univers. Si l’ambition des Wachowski ne semble plus avoir de limite malgré les échecs commerciaux de leurs derniers longs-métrages, leur cinéma se fait de plus en plus controversé. Faisant suite au (déjà) délirant Cloud Atlas, ce nouveau projet divise à nouveau la rédaction.

Martin Souarn : C’est la deuxième fois qu’on diverge sur un film des Wachowski. Mais autant j’avais fini par reconnaître avec le temps d’indéniables qualités à Cloud Atlas, autant celui-ci était une purge au visionnage ; une romance insupportable de mièvrerie, des scènes d’action improbables et interminables, voilà bien tout ce que je retiendrai pour ma part…

François Corda : C’est dommage ! En ce qui me concerne, si je ne place pas Jupiter : Le destin de l’Univers au niveau des meilleurs films de la fratrie, c’est que le film m’a semblé trop court. Les Wachowski sont faits pour les sagas, les œuvres démesurées. Matrix (dont, soit, le troisième épisode était de trop) et Cloud Atlas sont de cette trempe. Ce qui séduit, encore et toujours chez ces deux réalisateurs, c’est un langage cinématographique à chaque fois réinventé. Tu reproches à Jupiter : Le destin de l’Univers ses scènes d’action hypertrophiées : dans les corps-à-corps ils se révèlent effectivement un peu décevants. Mais dès que l’on est dans les airs, j’ai eu la sensation d’assister à un véritable ballet (l’idée du patinage est absolument magnifique).

MS : Mouais, l’un dans l’autre, les passages aériens m’ont tout de même paru bien poussifs et je n’ai pas l’impression que ces patins se soient élevés au-delà de simples prétextes à de telles scènes d’action. Là où j’ai vu de la grâce en revanche – et c’est probablement une des rares faces du film à m’avoir touché, c’est au long des quelques plans entièrement numériques du film, lorsqu’il s’agit d’introduire un nouveau lieu ; tel ou tel vaisseau, la planète Jupiter, etc. Je ne suis d’ordinaire pas particulièrement sensible à ce qui peut très vite se transformer en bouillie numérique, mais j’ai été impressionné et ravi par la beauté des tableaux.

FC : On est d’accord ! Quand tu vois ce qui a été fait par JJ Abrams sur Star Trek, en termes d’imagination les Wachowski vont beaucoup plus loin. Ce qui me fait regretter qu’ils n’aient pas été choisis pour assurer les nouveaux Star Wars

MS : Je reviens à la durée du film ; je n’aurais pas été contre un rallongement, mais à une seule condition : que le supplément serve à développer ce fameux « Univers » donc la traduction française nous vend le destin. Plus que l’intrigue en elle-même, les quelques éléments à avoir éveillé mon intérêt font plutôt partie du décorum posé là par les Wachowski mais non développé au profit de l’intrigue principale et de la romance Caine/Jupiter. En ce sens oui, un développement sur plusieurs épisodes ou sur une plus longue durée aurait été appréciable.

FC : C’est exactement ça. Le film pâtit d’une trop grande galerie de personnages, vus trop furtivement. Ce défaut est toutefois tempéré par certain sens du rythme : pas de temps mort ! Par ailleurs je suis surpris que la romance t’ait tant gêné. Proportionnellement elle n’a guère plus d’importance ici que dans Matrix. Deux bisous et quatre tirades, c’est à peu près ça la relation amoureuse dans Jupiter : Le destin de l’Univers. En plus ce qui est amusant ici c’est que c’est une princesse de pacotille qui s’enamoure d’un bad guy. Je trouve ça plutôt sympathique.

MS : Je ne suis pas d’accord ! Au contraire, à mon sens la construction du film gravite autour de ces deux personnages qui eux-mêmes se tournent autour. Les démonstrations les plus directes et explicites de cette romance sont certes peu affichées, mais je parle de leur relation globale. Il n’y a qu’à voir, le même schéma se présente à chaque fois : Jupiter se met dans un pétrin mortel quand Caine est au loin, jusqu’à ce qu’il débarque pour décimer les forces adverses et sauver sa princesse. Et ainsi de suite, au moins une fois par rencontre avec un membre de la famille Abrasax, c’est à dire le plus gros du film. Il y a de quoi annihiler toute force dramatique ! Ça ne t’a pas gonflé à la longue, cette répétition mécanique des mêmes ficelles scénaristiques ?

FC : Non, de cette trame j’ai plutôt perçu une forme de trivialité sublimée par le space opera. Une jeune femme de ménage et sa famille de beaufs engagés contre leur gré dans une bête histoire d’héritage : les enjeux ne font pas rêver. Mais le notaire est ici sur une planète aux confins de l’univers, l’héritière une réincarnation, et les prétendants à l’héritage, des frères et sœurs dégénérés à la tête d’empires galactiques. Le contraste entre les enjeux et leur traitement est clairement l’un des atouts du film !

MS : Je vois ; pour ma part, les points qui m’ont dérangé dans le film – l’histoire d’amour neuneu, le scénario trop prévisible, l’univers pas assez développé, les scènes d’actions sans fin et illisibles – sont tous passés au premier plan et je n’y ai pas perçu la moindre invitation à un second niveau de lecture !

FC : Je ne veux pas faire passer Jupiter : Le destin de l’Univers pour ce qu’il n’est pas, un chef d’œuvre. Mais c’est clairement ce que j’ai vu de mieux en SF depuis le contesté Prometheus de Ridley Scott. Je dirais même qu’en termes de monde à part, il faut sans doute que je remonte à Pitch Black pour retrouver quelque chose d’aussi original.bub

François Corda et Martin Souarn

bub

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Jupiter : Le destin de l’Univers de Lana et Andy Wachowski (Etats-Unis ; 2h07)

Date de sortie : 4 février 2015

bub

 

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