LAST ACTION HERO : les héros ne sont pas fatigués
John McTiernan

FocusUn jeune new yorkais, Danny Madigan, sèche les cours pour traîner dans un vieux cinéma dont le projectionniste lui promet une avant première privée du dernier film de son héros favoris : Jack Slater numéro IV. Le ticket de cette séance particulière, destinée à réviser la bobine du film avant sa sortie officielle (et remis par Houdini même au vieux projectionniste alors enfant), propulse Danny Madigan dans le film.Entraîné par l’action le garçon fait équipe avec son héros pour lutter contre le bras droit d’un mafieux californien, Benedict. Ce dernier comprend vite les bénéfices qu’il pourra retirer de l’utilisation d’un tel ticket de l’autre côté de l’écran, à savoir la salle de cinéma où est projeté le film et au-delà le New York d’avant le nettoyage de Rudolph Giuliani. Le film s’inverse alors et le garçon devient le guide du super héros largué dans un univers inconnu : le monde réel.

Scénarisé comme une visite de l’envers du décor du film d’action, avec Hard Rock, jolies filles et cascades en tout genre, où le fameux Hero du titre, Jack Slater, est interprété par rien moins que son archétype Arnold Schwarzenegger himself, le film se révèle également la confrontation brutale du super héros au monde réel.

Les voitures n’explosent pas en pleine rue avec une seule balle, briser une vitre de portière à main nue fait mal et enfin on risque de mourir dans des cascades hasardeuses sur des toits glissants. Pourtant, le propos du film n’est pas, uniquement, là. Il s’agit toujours bien de participer à la construction du mythe du héros ou du moins à son renouvellement. D’où le titre, le dernier héros d’action, entendu comme son nouveau modèle, son actualisation et ne sonnant pas en ce sens le glas du genre cinématographique.

Cette ambivalence du titre est éclairée par trois scènes révélatrices de cette ambition, drapée dans les canons du genre.

– Dans la course poursuite d’ouverture qui voit l’arrivée de Madigan sur le siège arrière de Slater, ce dernier glisse un Mini-disc (début des années 90 oblige) de métal juste avant le climax de la scène pour dérouler la bande son du film. La musique est donc présentée comme le choix conscient du héros, qui par ce geste assure le spectacle jusqu’au bout, une forme de professionnalisme sans faille du héros. L’action se peaufine dans les moindres détails.

– Après sa suspension par son chef, Jack Slater rentre chez lui, un studio nu avec baies vitrées plein cadre sur une quatre voies. Le film sort alors du décor jusque là de rêve californien déroulé par le film. Lorsqu’auparavant Madigan demande à Slater pourquoi les femmes sont aussi jolies autour d’eux, celui-ci répond laconique : « C’est ça Los Angeles ». La périphérie et les freeways à perte de vue c’est aussi ça Los Angeles ! Après avoir tiré sur le sempiternel tueur caché dans sa penderie, Slater se change… Et sa garde robe n’est que la répétition étagée de son propre costume, veste en cuir, tee shirt rouge, jean et santiags. Si cette scène paraît intervenir comme le cruel contrepoint de la vie rêvée du héros, elle en n’en demeure pas moins le pendant mythifié : celui du héros en cowboy solitaire. L’arrière cour de l’action est toujours un film.

– Lors de la première de Jack Slater IV, dans le New York réel cette fois, Schwarzenegger et sa femme, Maria Shriver, incarnés par eux-mêmes, tentent de s’accorder sur le discours de la star à la presse. Elle le prie instamment de ne pas parler de sa chaîne de restaurant Planet Hollywood, ce qu’elle trouve vulgaire et ce que, bien sûr, Schwarzenegger ne pourra s’empêcher de faire le moment venu. La fatuité jouée par l’acteur fait ressortir la pureté du héros.

Sans doute cette mise en abyme peut dérouter, le film compte parmi les échecs de la star. S’agit-il d’une parodie ou d’un nanar ? Peut être tout simplement s’agit-il d’un film d’action qui, par atavisme, ne peut s’empêcher de proclamer l’immortalité de son héros de bobine cinématographique. Ce même face à la Mort qui, libérée, par le pouvoir du ticket magique d’une projection du Septième Sceau d’Ingmar Bergman, ne peut rien contre Slater au motif qu’il « ne figure pas dans [ses] tablettes. » Danny Madigan et nous autres humains en revanche, oui.

Thomas Daly

g

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Last Action Hero de John McTiernan (Etats Unis ; 2h10)

Date de sortie : 11 août 1993

bub

 

Comments
  • JoJoJoJoJo

    Ce film – a se demander si Mc Tiernan etait conscient de la portee de ce qu’il a realise – se situe a la croisee d’un Starship Trooper traine dans la boue par la critique, et d’un Jour sans fin pour l’universalite du theme deroule.

    C’est pour moi un chef d’oeuvre, tant il est une mise en abime du culte au reve americain.

    A noter qu’il est interessant de le voir sous un angle paralelle qu’aborde extremement bien le docu de Christopher Bell (Bigger Stronger Faster) car sorti a une epoque ou autant Schwarzie que Stallone et cie tombaient tous un par un dans des affaires liees a la conso de steroides.

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