CLOUD ATLAS
Lana et Andy Wachowski, Tom Tykwer

DuelFilm fleuve et tentaculaire, Cloud Atlas est un film qui appelle l’analyse, l’interprétation. Pas étonnant, donc, qu’il ait partagé la rédaction ! François et Martin débattent en essayant de mettre leurs idées au clair sur ce qui restera, de toute façon, un moment étrange de cette année cinématographique.

FC : Martin, à en croire le commentaire que tu as laissé sur notre page « L’actu », ce qui a gâché ton plaisir devant Cloud Atlas, ce sont les clichés. Tu peux nous en dire plus ?

MS : Les Wachowski et Tykwer ont voulu dérouler une fresque humaine et historique au travers de six histoires plus ou moins liées les unes avec les autres et c’est original, c’est clair. Mais j’ai eu du mal à mesure que le film progressait à voir un ensemble cohérent. Sans doute parce que les six aventures prises séparément m’ont semblé vues et revues. Pour chaque thématique invoquée on pourrait citer un autre film ayant déjà traité bien plus pertinemment du sujet. L’esclavagisme (Vénus Noire), l’anticipation d’un futur totalitaire (Brazil ou Bienvenue à Gattaca), la thématique de l’élu (Matrix), le polar noir (Se7en), un monde post-apocalyptique qui retourne au primitif (La Planète des Singes), ou encore une aventure au sein d’un asile (Vol au-dessus d’un Nid de Coucous), tout ça a déjà été fait. Et du coup, Cloud Atlas me semble souffrir de cette comparaison avec ses aînés, ce qui rend chacune des époques un peu pâlotte… Je n’ai en somme pas su trouver dans le tissage des six aventures du film la cohérence sous-jacente qui m’aurait permis de pardonner la superficialité des scénarios.

FC : Ca va te surprendre mais je suis tout à fait d’accord avec toi, au moins dans les grandes lignes. À savoir qu’on pourrait effectivement rapporter chaque partie de Cloud Atlas à un autre film déjà vu. Et pourtant le résultat m’a ébloui ! Sans doute parce que ce n’est pas tant le liant scénaristique entre les différentes époques, ni la thématique de la réincarnation, présente en filigrane, qui m’ont fasciné, mais le regard amoureux que portent les cinéastes sur le cinéma en général. J’ai beaucoup plus vu Cloud Atlas comme un immense hommage au septième art qu’une tentative un peu artificielle de connecter différents personnages dans différentes époques.

MS : Ton point de vue sur l’amour du cinéma est intéressant ; effectivement, beaucoup de scènes sont des références (ce que j’ai en fait pris pour du recyclage) à d’autres films, et pour ma part un deuxième visionnage du film avec cette approche me serait bénéfique ! Reste tout de même un clin d’œil en particulier qui m’a paru trop appuyé ; la double référence au Soleil Vert, d’abord via les singeries de Cavendish puis avec la « révélation » de la serveuse/élue du New-Seoul, du coup redondante.

FC : Ah Soleil Vert quel film ! Là ce n’est même plus de l’hommage c’est de la pure citation. Quant à la référence à l’élu, puisque tu en parlais avant, c’est quasiment le même cas. Il y a d’ailleurs une ressemblance physique flagrante avec Keanu Reeves et on ne peut pas penser que c’est un hasard venant de la part des réalisateurs de Matrix. Pour moi ça ne fait aucun doute, c’est donc un jeu avec le spectateur. Idem dans le cas de Cavendish, quand il hurle « Soleil Vert », c’est, comme tu le dis, un clin d’œil un peu appuyé, mais aussi, je pense, une façon de nous dire qu’on est dans l’hommage pur et simple. Finalement c’est curieux, Cloud Atlas est à la fois tourné vers le passé (pour les références ostensibles) et vers l’innovation (quel film peut prétendre avoir déjà eu ce type de narration ?).

MS : Il n’empêche que ça ne suffit pas, à mon sens, à compenser certains points, comme le manque d’homogénéité de ton entre les différentes histoires. Sans exiger pour autant un tout parfaitement homogène, j’ai été dérangé notamment par deux des scénarios dont les ambiances se dégageaient pas mal du reste, quant à lui plutôt épique ; le polar et la comédie de Cavendish. Le premier, trop sobre et lent et le second, trop léger, cassent  le rythme du film et m’ont empêché d’embarquer pour de bon vers le grand voyage de Cloud Atlas…

FC : Si tu cherches l’homogénéité, elle est ailleurs à mon avis. Par exemple dans la présence purement physique des acteurs d’une histoire à l’autre. Les maquillages parfois grossiers (l’infirmière dans la partie avec Cavendish), ce n’est évidemment pas un problème de budget, juste un liant plus visuel que scénaristique entre les différentes parties. D’ailleurs à ce propos, j’ai, comme d’habitude, trouvé Tom Hanks extraordinaire !

MS : Sur ce point je te rejoins, l’écart entre le docteur ivrogne de la première époque et le sauvage sympathique de la dernière est gigantesque et Hanks, comme beaucoup d’acteurs du film (Hugo Weaving né pour jouer les bad guys), parvient à changer admirablement de chemise. Bon d’une certaine manière tu vois donc Cloud Atlas comme une prouesse technique mise au service d’une passion du cinéma en général, plus que comme un film qui raconte une histoire forte ?

FC : C’est vrai, j’ai été bluffé par le montage, la façon dont les réalisateurs parviennent à nous faire basculer d’une histoire à l’autre avec fluidité, le travail de composition des acteurs. Et c’est vrai aussi que, plus que les saynètes en tant que telles, j’ai apprécié d’être transporté d’un genre à l’autre, de passer de la comédie à la SF, pour basculer dans l’historique, etc.

MS : Il semble que pour apprécier Cloud Atlas, il vaut mieux ne pas trop se concentrer sur les histoires en les séparant les unes des autres comme j’ai pu le faire…

FC : Oui, ça je le reconnais volontiers ! Et c’est certainement un point faible de Cloud Atlas pour beaucoup de spectateurs si l’on en juge par le bide que ça a été aux Etats-Unis… Et en France. Ici, après cinq semaines d’exploitation, le film n’a fait venir que 400 000 spectateurs. Pour un tel budget c’est évidemment un échec.

MS : Il faut dire que le pari était risqué !bub

François Corda et Martin Souarn

bub

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Cloud Atlas de Lana et Andy Wachowski, et Tom Tykwer (Allemagne, Etats-Unis; Hong-Kong, Singapour ; 2h45)

Date de sortie : 13 mars 2013

bub

 

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