Infectés
Alex & David pastor

DeterreD’une certaine manière, Infectés pourrait être vu comme une expérience scientifique. Placez quelques humains au beau milieu d’une gigantesque pandémie meurtrière, et observez-les se débattre pour sauver leur peau dans ce monde hostile. L’ennemi réel est invisible, il s’agit d’un virus dont le meilleur remède serait l’individualisme. Bref, la fin du monde n’est plus ce qu’elle était ! Voilà ce que semble nous dire le film d’Alex et David Pastor, dont la valeur tient beaucoup à cette habileté à déjouer sans cesse les attentes du spectateur face aux codes du survival post-apocalyptique.

Le road-movie et la promiscuité des personnages que cela implique (la voiture et l’étroitesse de l’habitacle) conviennent parfaitement à la mise en situation de l’expérience. La voiture en question est ici un cercueil roulant étouffant, sans doute même une étuve si l’on en juge par les paysages que traversent les protagonistes, arides et asséchés par un soleil plombant. Brian et Danny sont deux frères, embarqués dans cette fuite éperdue vers une mer qu’ils espèrent saine. Les survivants ce sont eux, accompagnés par Bobby, la petite amie de Brian, et Kate, une camarade de promo de Danny. L’avenir de la planète est dans les mains de cette petite troupe et on ne peut pas dire que cela donne envie de continuer l’aventure… Car Brian est celui qui a tout compris et à vrai dire, c’est quelqu’un de peu recommandable. Glacial, il se détache avec une facilité déconcertante de toute émotion dès lors qu’il s’agit de se protéger. Et quand il se sait en sécurité il s’amuse à des jeux stupides. C’est un gars qui, à la trentaine, a un pied chez les adultes, mais un autre ancré dans son enfance (que l’on soupçonne heureuse et épanouie avec son frère). Il est ainsi prêt à se faire du fric en creusant des charniers de cadavres infectés pour ensuite le lendemain se saouler et taper le club de golf dans un hôtel abandonné. Or, le sauveur de l’équipe, celui qui prend les responsabilités, c’est clairement lui. On est donc loin des prototypes de héros droits dans leurs têtes et dans leurs bottes qui peuplent en général le cinéma ou la littérature post-apocalyptique (*).

Infectés développe en la personne de Brian un nouveau spécimen de l’espèce humaine qui fait dépendre sa survie de sa capacité à régner. Un pur produit de notre société de consommation, égoïste, fourbe, que l’on a soumis à un contexte eschatologique. Le produit est effrayant : c’est un prédateur d’un nouveau genre pour qui la fin du monde est avant tout une promesse de grande orgie. Mais une orgie qui doit se dérouler selon ses propres règles et aucune autre. Dans Infectés, il ne s’agit pas de former un groupe pour devenir plus fort, ou bien de se cacher sans cesse. Moins on est nombreux et plus le facteur humain est négligeable, ce qui permet d’augmenter les chances de survie. Autrement dit, l’autre est un danger permanent. Voilà où conduit l’horreur, l’extinction brutale de l’espèce, semblent nous dire les frères Pastor. C’est-à-dire à la disparition inexorable d’une humanité altruiste, et donc digne de se reproduire. En ce sens, Infectés est le parfait contrepoint de La Route dans la mesure où les dernières traces d’humanité qui persistaient dans les agissements du père et de son enfant ont ici totalement disparu pour être supplantées par une forme de légèreté et d’individualisme qui peuvent se révéler abominables. La mise en scène des réalisateurs est fort discrète, elle laisse toute la place à ce théâtre de caractères tous divers et bien écrits. Et cette neutralité n’est pas innocente dans la crédibilité des situations : on croit à Infectés car l’on croit aux situations présentées, dans lesquelles la banalité n’a pas sa place puisqu’elles sont écrasées par le poids d’une mort imminente.

La démonstration d’Infectés, c’est que plus on est froid et détaché, plus on a de chance de survivre. Tout cela est d’un cynisme effroyable, mais d’une logique imparable si l’on prend la peine de regarder tout cela avec la distance d’un chercheur à l’égard de ses cobayes. Bienvenue dans la clinique des Pastor, et surtout, n’oubliez pas votre masque si vous ne voulez pas vous faire contaminer par leur morale accablante !bub

François Corda

bub

(*) On pense au père de La Route bien sûr, plus récemment à Rick dans la série télé ou la bande dessinée Walking Dead, la plupart des héros de George Romero…

 

———

Infectés d’Alex et David Pastor (Etats-Unis ; 1h24)

Date de sortie : 26 mai 2010

bub 

 

Commencez à écrire et validez pour lancer la recherche.