DJANGO UNCHAINED
Quentin Tarantino

EnterreSur l’affiche de Django Unchained, « Django » est inscrit en grandes lettres capitales rouges, et « Unchained », qui est lui en minuscule, porte le poids de ce nom atypique et fier. Le nouveau film de Quentin Tarantino est à cet aune : à la fois écrasant de talent, énorme par moments, voire pléthorique, et pourtant riquiqui. On pourrait même dire que Django Unchained est à l’image de son personnage-titre : libéré mais tellement tributaire qu’il est finalement assez transparent.

Le Dr Schultz le rappelle sans arrêt : Django n’est plus un esclave, il est libre. Mais cela se perçoit finalement peu à l’écran. De fait, Django n’est jamais seul : il est avant tout assistant et surtout redevable (éternellement, si l’on en juge par le baiser qu’il envoie à la dépouille du bon Dr Schultz) à son libérateur blanc. Comme le D de son prénom, Django est pour ainsi dire muet, et la partition de Foxx est à cet égard plutôt transparente. L’acteur se contente d’endosser chapeaux et lunettes de soleil, et de tirer aussi vite que Terence Hill dans Mon Nom est Personne. Dans Django Unchained ce sont les personnages secondaires qui parlent, et ils sont nombreux. Ils débordent même, parfois (Big Daddy aka Don Johnson notamment, insipide). Christoph Waltz, Leonardo Di Caprio, Samuel L. Jackson campent en revanche des personnages hauts en couleur, aux partitions délirantes, souvent très communicatives. Ce qui nous amène au constat suivant : Django est un faire-valoir, dont le rôle est de servir des oppositions qui ne le concernent jamais directement (celle de Candie et Schultz, superbement dérangeante, celle de Schultz et du Marshall drôlatique, celle de Stephen et Calvin Candie à la tension insoutenable. Le problème, c’est que le discours politique de Django Unchained, censé être le cœur du film, son moteur, se retrouve ainsi noyé : Django est finalement plus un symbole, voire une idée, qu’un personnage à proprement parler. C’est un fantôme, quand on aurait attendu qu’il illumine le film de sa présence.

On l’a dit plus haut, le film lui-même est justement un miroir de ce héros. Il y a une omniprésence de l’hommage (la typographie du générique, la reprise d’un thème d’Ennio Morricone, et le thème de la vengeance renvoient directement à l’âge d’or du western spaghetti) et surtout de la démonstration qui tient de l’ostentation. Tout cela est admirablement fait, c’est esthétiquement irréprochable sauf que le pastiche a ses limites. À trop vouloir reproduire, Django Unchained perd en singularité, il s’oublie dans ses influences et la surenchère au lieu de se raccrocher synthétiquement à ses bonnes idées (caser l’esclavagisme dans le monde du western, notamment). Des éclairs de génie traversent le film pourtant, c’est indéniable. Qu’il s’agisse de la rencontre de Django et du Dr Schultz, de la mise à mort de la fratrie de Lil’ Raj, ou plus globalement de la partie dans Candyland, flippante, Tarantino prouve son savoir-faire, d’esthète et de dialoguiste. Mais la longueur boursouflée de Django Unchained (2h44 !!) conduit inévitablement, avec la culture de Tarantino, à l’accumulation pure et simple de repères pour cinéphiles. Comme si le réalisateur tournait en roue libre, ne pensant qu’à son petit plaisir personnel (cf. son caméo un peu vain, la répétition ad libitum des mêmes effets gore cartoonesques).

Tarantino partout, Tarantino nulle part. Comme Django. Les deux sont imposants, ont un sens de l’(leur) image hors-pair. Mais tous les deux sont dépendants. Tarantino de ses influences, Django du Dr Schultz. On aimerait les voir réellement « unchained »… Peut-être y aura-t-il un Django 2 pour nous le montrer ?bub

François Corda

bub

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Django Unchained de Quentin Tarantino (Etats-Unis ; 2h44)

Date de sortie : 16 janvier 2013

bub

 

Comments
  • Dr Gonzo

    Très bonne critique avec laquelle je suis d’accord en tous points. Merci Billy, je me sens moins seul, tant il est devenu criminel d’émettre des réserves sur un film de Tarantino, que j’admire pourtant énormément.

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