SIMPLE MINDS
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FocusLa discographie de Simple Minds est une énigme, une chose bâtarde tout à fait insaisissable. Ils ont fait de tout, cold-wave, post-punk, rock FM, ont alterné le meilleur et le franchement nul, le tout noyé dans des vagues de succès, d’oubli et de renaissance, sans compter les allers et retours de personnel liés aux conflits d’ego ! Et c’est précisément ce qui en fait l’une des plus fascinantes histoires de la pop.

Le groupe a d’abord fait une lente et pénible ascension vers la qualité qui l’a conduit à produire deux très beaux albums : Empires and Dance (1980) puis Sons and Fascination/Sister Feelings Call (1981) sont marqués par des rythmiques de plomb, un sens certain de la mélodie et quelques plages d’expérimentation tranquille. Une vraie personnalité a fini par se dessiner, jusqu’à remplir un petit espace laissé en friche par les ténors du moment, The Cure et U2.

Mais visiblement tentés par les sirènes d’une popularité grandissante, les Simple Minds délaissent (sacrifient ?) sans mal leur style austère des débuts pour naviguer vers des contrées typiquement eighties, synthés pompiers et climats factices de rigueur. C’est la première incompréhension de taille : le public boit la soupe de New Gold Dream (81, 82, 83, 84) (1982) sans vergogne et en redemande alors que le groupe n’avait jusqu’alors jamais été aussi mauvais. A cette incompréhension succède la première vraie surprise : Sparkle in the Rain (1984) redresse immédiatement (et sans doute inconsciemment, comme on le verra plus tard) la barre en mariant avec brio le son éléphantesque de l’époque et l’énergie des débuts. Le disque n’a pas perdu une miette de sa spontanéité, de sa fougue : Sparkle in the Rain s’écoute comme on boit un shot de vodka, d’un trait. C’est speed, sans temps mort, ça sent le Red Bull et les hormones.

C’est une parenthèse enchantée et inespérée dans une suite d’albums qui constituent l’âge d’or commercial du groupe, et la petite mort de son âme. La série Once Upon a Time (1985), Street Fighting Years (1989) et Real Life (1991) est aujourd’hui inaudible, et peut être aisément perçue comme le symbole de tout ce que l’on pouvait produire de pire dans la deuxième partie des années 80 (lyrisme de pacotille, rythmiques pachydermiques et claviers hideux). On aurait pu penser que le groupe ne se remettrait jamais de cette déroute artistique assumée tous pectoraux dehors. Et pourtant.

Sentant le vent tourner (Real Life les a quelque peu sortis du circuit international pour ne concentrer leur gloire « que » sur le vieux continent), les deux rescapés du groupe d’origine, Jim Kerr au chant et Charles Burchill à la guitare s’exilent en Inde (si si), pour se faire pousser les cheveux et retrouver le karma. Le public les a déjà un peu oubliés quand ils sortent, quatre ans plus tard, Good News from the Next World (1995). C’est malheureux car le disque synthétise à merveille l’esprit pop des années 90. Il faut dire qu’entre temps de l’eau a coulé sous les ponts : la décennie paillettes précédente a été ringardisée par la rage du grunge. Mais les Simple Minds l’ont très bien compris : les sons de batterie et de basse sont devenus naturels, le fluo a disparu, et le duo s’est ressourcé avec succès dans les eaux dégueulasses du Gange. Résultat, ça ronfle, ça respire et ça se concentre sur l’essentiel : les mélodies. Burchill, livré à lui-même, s’y révèle enfin comme un vrai guitariste. Réécoutez « She is a River » et « Hypnotised», quinze ans après, ça a toujours de la gueule. Ça s’appelle de l’opportunisme payant… artistiquement parlant, s’entend.

La suite ce sont les vaches maigres qu’ils ont ramenées de New-Dehli. Et ce malgré la deuxième grande surprise de leur carrière. Après avoir vaillamment et en vain (pour les deniers) cherché à s’adapter à une nouvelle époque, les deux Ecossais reviennent contre toute attente au synthétique (boîtes à rythmes élégantes, expérimentations sonores convaincantes) avec Néapolis (1998), et cela en présence de leur bassiste historique Derek Forbes. Drôle de manœuvre mercantile quand on sait que leurs cousins U2 venaient d’essuyer l’échec de Pop dans le même genre un an plus tôt ! L’essai est concluant mais négligemment conchié par tout le monde. Ce n’est que le début d’une longue série noire : Simple Minds ne vend plus de disques et n’intéresse plus grand monde.

C’est au fond de ce trou que le groupe sortira ce qui est à ce jour leur meilleur disque, sans se défaire de leur penchant électronique : Cry (2002). C’est beau. Jamais le groupe, à nouveau réduit à sa plus simple expression, Kerr et Burchill, n’aura été aussi sobre, traversé par un intimisme dont on ne le croyait pas (plus) capable. Mais parce que les deux compères, la quarantaine bien passée, ne voulaient pas qu’on les enterre trop tôt, ils tentent un énorme coup de bluff en nous sortant trois ans plus tard le coup du retour aux sources, avec en bonus la réapparition du batteur des succès, Mel Gaynor. On a eu peur, un peu à tort. Le résultat, Black & White 050505 (2005) est honorable, mais renoue par moments avec de vilaines manies que l’on attribuerait volontiers à une certaine facilité. Le plus surprenant là-dedans c’est que tout le monde a marché dans la combine, critique et public.

Qu’à cela ne tienne, Simple Minds, si l’on en juge par la grande qualité de leur dernier album, Graffiti Soul (2009), inscrit dans une pure tradition pop et réhaussé par des lignes de basse magiques rappelant la grande époque, semble avoir retrouvé une seconde jeunesse à travers ce regain de succès un peu usurpé. Cela ne fait qu’embellir une histoire déjà palpitante depuis trente ans, et qui, sans décès, histoire de drogues ou de crimes, pourrait très bien donner lieu à un beau biopic comme d’autres grands y ont eu droit. Simple Minds, le seul grand groupe à échelle humaine ?

François Corda

Comments
  • DelPhi

    New Gold Dream, un mauvais disque!!! N’importe quoi… Lorsqu’on écrit une critique, on s’efforce de mettre son goût personnel de côté!

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