MUTANTS
David Morley

DeterreDoit-on remercier Alexandre Aja d’avoir relancé le cinéma d’horreur/épouvante français il y a quelques années avec le fulgurant Haute Tension ? Bof. Quelques belles exceptions certes (A l’Intérieur, Ils), mais il suffit de se référer à l’un de ses derniers rejetons, Frontière(s), gigantesque navet racoleur tenu par une affiche mensongère (« ce film accumule les scènes de boucheries particulièrement réalistes et éprouvantes ») et un casting digne de La Ferme Célébrités (Samuel Le Bihan, Estelle Lefébure) pour en douter. Comme si l’empereur Alexandre, désormais exilé aux States, avait laissé tout le monde en plan, orphelins de leur nouveau maître.

Petit rescapé de cette débâcle franco-française, Mutants fait plaisir parce qu’il revient à certains fondamentaux (presque) oubliés. Ainsi, David Morley, dans un plan d’entrée sublime, refixe l’objectif numéro 1 du survival post apocalyptique : le décor. Plutôt que la ville déserte, concept sucé jusqu’à la moelle dans les médiocres Je Suis une Légende et autre 28 Jours Plus Tard (entre autres), le réalisateur a choisi une forêt enneigée. Ce choix de Dame Nature plutôt que de la ville crado entraîne plusieurs postulats de base assez réjouissants. D’abord scénaristiques (aucun recours à la technologie, isolement total, rigueur du climat), puis esthétiques (le cadre en tant que tel bien sûr, mais surtout, on savoure d’avance l’effet bœuf que procureront  les joyeuses giclées pourpres sur la belle peuf toute fraîche). Environnement dépouillé donc, bicolore, soit, mais d’une puissance inouïe.

Question pitch, on fait dans le sobre également, puisque celui-ci pourrait se résumer à son titre : virus, gnagna, tout le monde mute et bouffe de l’humain, gnagna, quelques survivants gnagna. Mutants se déroule clairement pendant la phase 2, censée générer vues de panique, de débordements, etc. Mais ici, le décor avale tout, jusqu’aux enjeux du scénario. Car comment rendre crédible des mouvements de foule apeurée quand on sait à l’avance que la région est déserte ??? C’est pourquoi, très logiquement, le film se referme sur le seul couple Sonia/Marco. D’ailleurs, David Morley crie à qui veut l’entendre que son histoire est avant tout celle d’une mise en situation : que faire quand l’être aimé veut vous dézinguer le bifteck ? Bizarrement, ce n’est absolument pas ce prétendu suspense psychologique qui va nous tenir en haleine, mais plutôt la sourde métaphore de la maladie qui pèse sur tout le film.

Les clins d’œil à la Mouche de Cronenberg sont évidemment appuyés, mais la transformation n’est pas du tout traitée de la même manière. Chez Cronenberg, la métamorphose est perçue sous un angle expérimental, presque positif parfois. En tout cas la souffrance physique y est clairement mise de côté. Chez Morley, c’est bien la déchéance du corps et de l’esprit qui est filmée. La peur de la mort, le dégoût d’un corps qu’on ne reconnaît plus, abîmé par le mal. Et là encore, on ne peut qu’applaudir le choix du maquillage, des prothèses, plutôt que des images de synthèse qui font irrémédiablement basculer du côté de l’irréel. Ici la transformation semble naturelle, elle prend son temps, comme dans la vie. En fait, peu de films ont traité le thème de la maladie d’aussi près, de cette modification imperceptible du corps, de l’altération irréversible des capacités mentales. Le virus de Morley, comme tous les autres virus de cinéma, touche le corps et la tête, transforme l’humain en bête sauvage. Mais le Français s’attarde lui sur l’entre-deux, sur l’être 50 % humain / 50 % mutant. Et l’étude est d’autant plus forte que le patient (Francis Renaud) est l’homme de la soignante (Hélène de Fougerolles). Ce qui implique forcément son lot de peine, de mensonges, d’incompréhension, de pétages de plombs… Plus que l’affrontement, c’est donc l’aspect humain qui interpelle dans Mutants.

Paradoxalement, c’est aussi là que le bât blesse. Faute de moyens, faute de temps certainement, les acteurs sont souvent approximatifs, et, plus impardonnable, les dialogues sont souvent, au mieux inconsistants, au pire carrément nuls. Ce qui, forcément, atteint d’une certaine manière la puissance du propos. Et soyons francs, dès que le Français s’échappe du cadre de ses deux protagonistes principaux, il s’égare. Les personnages secondaires caricaturaux, les péripéties balisées de la fin, on les connaît par coeur. Alors, on ne va pas reprocher à David Morley d’avoir cédé à la facilité, mais globalement, le film joue au-dessus de ses moyens. Sans aucun doute il y avait là la matière à un grand film de zombies, loin des préoccupations politiques d’un Romero, plus proche de l’humain. Ce n’est pas complètement réussi, mais c’est loin d’être raté.bub

François Corda

bub

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Mutants de David Morley (France ; 1h25)

Date de sortie : 6 mai 2009

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