The Secret
Pascal Laugier

EnterreAujourd’hui, le retournement final est une institution qui a sa page Wikipédia – « structure narrative […] dans laquelle une fin inattendue amène le spectateur à voir l’histoire sous un angle différent et le pousse vers une nouvelle interprétation de l’ensemble ». Dans The Secret, le twist le plus important survient non pas à la fin mais à mi-parcours. Le film est mauvais à bien des égards. Mais grâce à ce type de tour scénaristique, il a le mérite de revenir sur la place du spectateur dans la construction du récit, voire de lui consacrer une importance rarement offerte dans une salle de cinéma. Car il y a twist et twist.

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L’objet du film : des disparitions. C’est une ancienne ville minière où des enfants disparaissent, comme partout aux États-Unis, dit une incrustation. Disparaissent, comprendre, sont enlevés. À vrai dire, ce qui agite le film, on ne s’en rend compte que tard, ce ne sont pas les tentatives douteuses d’un type de cinéma français d’épouvante, décidément pas très agile (pauvreté de l’imaginaire et des ambiances, ostentation de la douleur pour rien – de l’horreur pour rien, qui n’exalte rien). Ce qui agite The Secret, c’est plutôt la différence entre le bien et le mal, entre les good people et ceux qui sont rarement considérés comme tels (ici, les rednecks de Cold Rock). Ici, ce qui différencie le bien du mal, c’est le regard porté sur les choses. Ceci est une meurtrière. Ceci est une mère. Ceci est un autel sataniste. Ceci est un autel en mémoire d’enfants disparus. Question de cadrage évidemment. Il reste que, d’ordinaire, dans les films propres sur eux, on sait ce qu’il faut penser, de quel côté il faut pencher. D’ordinaire, le réalisateur du film s’arrange pour que le spectateur n’ait pas à se poser la question de ses propres valeurs. D’ordinaire, pour faire court, le film d’horreur nous identifie à un personnage bien sous tous rapports (et Jessica Biel, l’héroïne, l’est évidemment) : ici, celui de la jolie infirmière middle class, victime de la sauvagerie du bouseux.

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Le plaisir de The Secret, c’est donc ce vide qui s’ouvre à mi-parcours devant la multiplicité des interprétations, devant l’inconnu. La chance de ce désajustement, c’est qu’il donne l’occasion au spectateur de re-fabriquer quelque chose dans son for intérieur, de faire un retour sur soi que peu de films permettent. C’est d’ailleurs à partir du moment où les rôles des personnages semblent inversés que le tout retrouve une certaine fluidité dans la mise en scène. Car, on l’a dit, si le film recèle un peu d’intérêt, il n’en est pas moins en grande partie raté, ce qui nuit à l’impact qu’il aurait pu avoir : image assez laide, infographie qui laisse incrédule, postulat scénaristique peu crédible, digressions accablantes sur l’état du monde, on en passe. Un seul plan, le dernier, permet de maintenir le film en vie. C’est comme si The Secret avait été construit autour de ce seul plan, le regard caméra d’une adolescente qui pose une question au spectateur : « Est-ce que j’ai bien fait ? » Où était le bien, le mal ? Déployé à rebours, cette parole sauve le film en maintenant in extremis ce tant soit peu de lucidité qui manquait pour nous faire croire au scénario. Un seul plan vous manque et…bub

Marc Urumi

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The Secret de Pascal Laugier (Etats-Unis, Canada ; 1h45)

Date de sortie : 5 septembre 2012

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