TO ROME WITH LOVE
Woody Allen

EnterreAvec To Rome with Love, Woody Allen affiche les premiers symptômes du tarissement de la créativité. Comme son personnage, un metteur en scène raté qui redoute une fin proche et qui, dans un dernier espoir de réaliser l’œuvre de sa vie, crée un opéra lourdement comique qui finit d’achever sa carrière. Sans aucun doute, To Rome With Love est à l’image de cet opéra : prévisible et sans inspiration. Tout est connu et reconnu : la musique propose la même rengaine et le spectateur anticipe sans difficultés les situations loufoques woodyouliennes. La nostalgie est déjà présente et nous regardons avec tendresse et l’œil humide un réalisateur qui s’essouffle et halète.

Trois histoires s’entremêlent dans To Rome with Love ; trois histoires qui soulèvent sans proposer, qui proposent sans orienter, et qui provoquent un faible acquiescement consenti sans jamais aller jusqu’à l’esclaffement vrai et spontané. On aimerait rire pourtant. On aimerait s’enfoncer franchement dans son siège et se laisser transporter par la chaleur doucereuse d’une Rome culturellement riche et romantique. Mais la ville a des airs de carte postale usée et les couleurs dégorgent, tant elles sont exploitées et sollicitées. La fraîcheur naturelle de la ville ne transparaît pas, sa douceur féminine et rieuse est voilée, son caractère affirmé de ville forteresse puissante et combative n’est même pas suggéré. Seules ses fastes et sa caricature triomphante ressurgissent dans un décor papier mâché.

Le spectateur va de déception en déception. Après une ouverture sur le Colisée, nous arpentons les rues et places bien connues de Rome : la Piazza Navona, la Piazza del Popolo, la Piazza di Spagna, etc. Woody Allen ne s’aventure pas, n’invente pas, ne cherche pas à se perdre dans les ruelles. Il ne se laisse pas surprendre par la ville et fait preuve d’une curiosité timide à son égard. L’intérêt n’est pas là. L’envie n’y est pas. En bon élève, sac sur le dos et carnet de voyage à la main, il continue sa visite touristique des villes européennes, méthodique et ponctuel. Bon travailleur, la case est cochée. En filmant ainsi une Rome banale et caricaturale, Allen apporte les premiers signes d’un déclin naissant, déclin d’une jeunesse qui se caractérisait par la soif d’apprendre, l’envie de sortir des sentiers battus, de battre le pavé. Première pelletée dans la fosse.

Dans To Rome with Love il n’y a pas de corps, de cadre, de squelette. Le film est une enfilade de saynètes successives qui s’enchaînent les unes aux autres ; comme une vieille série télévisée des années 90. D’un côté, les parents d’une jeune américaine qui viennent rejoindre leur fille en Italie pour faire connaissance du futur époux dont le père est un croque-mort doté d’une voix exceptionnelle (mais seulement sous la douche) et qui se retrouvera chanteur d’Opéra “sous la douche”, grâce à une idée de génie du père de la jeune américaine. Le comique de répétition est un peu trop appuyé et agace à la longue. De l’autre, un Monsieur Tout-le-Monde italien qui se retrouve star du jour au lendemain et vit les joies et peines d’être médiatisé ; une réflexion lourde et grasse sur la starification. Et enfin, un jeune américain qui s’entiche d’une amie de sa fiancée de passage à Rome et qui se fait conseiller par son mentor, un grand architecte, par le biais d’apparitions réelles ou irréelles ; une histoire prévisible dès la première seconde et qui ne fait qu’accentuer le caractère longuet du film.

Contrairement à ses précédents films, Woody Allen n’invite pas à la réflexion et à l’échange quand ce sont habituellement des caractéristiques de son art. Une fin mi-figue mi-raisin qui laisse pantois tant le vide et le manque de substance domine. Par l’absence de cadre et d’articulation des histoires entre elles, le loufoque téléphoné et prévisible des situations, et enfin le manque de message fort au sein du film, Allen semble manquer d’imagination et d’une véritable envie de créer ; signes de la jeunesse d’esprit. Une deuxième pelletée dans la fosse.

To Rome With Love semble être plus une affaire à classer pour Woody Allen qu’une œuvre qu’il aura portée et portera dans son cœur. Un peu comme un vieil homme qui, sentant la fin approcher, s’empresse de vivre tout ce qu’il s’est juré d’accomplir, Allen a réalisé son film dans la capitale italienne. Voilà une étape de faite. A quand la suite ? Ce sera Berlin ? Amsterdam ? Copenhague ? Attention, la liste est longue. Pour tenir la distance, il est peut-être préférable de retrouver le souffle et de prendre une grande bouffée de jeunesse !bub

Raphaëlle Courcellles

 

———

To Rome with Love de Woody Allen (Etats-Unis, Espagne, Italie ; 1h51)

Date de sortie : 4 juillet 2012

bub

g

Comments
  • JoJoJoJoJo

    Il avait deja fait le coup avec Midnight in Paris le bougre

Commencez à écrire et validez pour lancer la recherche.