THE ELECTRONIC ANTHOLOGY PROJECT
The Electronic Anthology Project of Dinosaur Jr.

nsbpDeterreAu cœur des années 80, Dinosaur Jr. était l’un des plus fiers bastions du rock’n roll face à l’hégémonie du tout synthétique. À l’heure où Neil Young et ZZ Top, entre autres, faisaient le nécessaire pour coller à leur époque par l’utilisation de synthés analogiques, les membres de Dinosaur Jr. défendaient la ferveur d’un rock à guitares bordélique. En cela, The Electronic Anthology Project of Dinosaur Jr. peut sembler a priori complètement aberrant. En effet, album de remake, il reprend certaines chansons du groupe pour en faire de petits hymnes dancefloor avec deux francs six sous, à savoir des claviers et boîtes à rythmes ouvertement cheap. Idée folle mais qui fait en même temps toute la beauté du geste de The Electronic Anthology Project ; à savoir qu’avec peu de moyens déployés, il parvient à décloisonner les styles, réunir des états d’esprit qu’on aurait pu penser inconciliables.

Pourquoi parler de cloisonnement, d’incompatibilité ? Déjà, parce que de nombreux éléments de forme différencient la pop électronique basique (représentée disons par Kraftwerk et les débuts de Depeche Mode) du pré-grunge joué par Dinosaur Jr. Quand les premiers sont assimilés à des garçons coiffeurs, gel dans les cheveux, look soigné, les seconds portent les cheveux longs et gras et se font des trous dans leurs futals. Plus qu’un détail, cette distinction vestimentaire souligne le clanisme que certains ultras pourraient faire passer comme une généralité. Dans le mode de création également on retrouve de nombreuses dissensions. Pour simplifier, la musique électronique peut être composée et interprétée seule grâce aux capacités multiples des machines, qui peuvent reproduire des sons, des percussions, des orchestres, tandis que le rock a besoin d’une alchimie humaine et instrumentale pour se construire (c’est la notion de feeling en quelque sorte). Malgré toutes ces oppositions The Electronic Anthology Project of Dinosaur Jr. passe outre le mur théorique et construit un pont en forme de synthèse hybride, un pont entre deux styles radicalement différents.

Brett Nelson est l’homme qui se cache derrière le projet, et il est accessoirement bassiste des dénommés Built to Spill, autre (brillant) groupe adepte de la six cordes et de ses facéties bruyantes. Ce qui est loin d’être anecdotique : le concept de départ est déjà surprenant, mais qu’il soit en plus réalisé par un musicien « du même bord » que Dinosaur Jr. entoure ledit concept d’une aura toute particulière. Car son utilisation des machines repose forcément sur un vécu rock. Cela s’en ressent considérablement dans les interprétations des morceaux et c’est finalement réjouissant : les boîtes à rythmes sont complexes et retrouvent en même temps la puissance du groupe de Jay Mascis (guitariste de Dinosaur Jr.) ; les synthétiseurs, tantôt guimauve, tantôt agressifs se substituent admirablement aux guitares bouillonnantes ou expressives. Le chant déraillant de Jay Mascis, repris, lui, à l’identique, renforce cette idée que la guitare, la basse et la batterie se sont littéralement métamorphosées : le cœur, l’intention est le même, seules la carapace et l’attitude changent.

Finalement, et contre toute attente, ce qui fonctionne avec The Electronic Anthology Project of Dinosaur Jr. c’est que l’on retrouve la fièvre des chansons originales. Seule la texture des sons confère aux chansons leurs caractéristiques désormais dansantes. La réussite est déstabilisante, amusante dans cette façon qu’elle a de casser l’image des deux styles. Mais c’est surtout une réussite qui constitue, dans la simplicité et le dépouillement, une preuve éclatante que la rigidité martiale et le froid de la musique électronique peuvent rencontrer la fougue, la sueur d’un rock héroïque bourré de soli et de distorsions.bub

François Corda

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The Electronic Anthology Project Of Dinosaur Jr / s/t

Date de sortie : 24 avril 2012

 

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