MISFITS : SAISON 1
Howard Overman

EnterreChacun a ses raisons d’apprécier telle ou telle série. Mais plusieurs d’entre elles reviennent souvent dans les discussions entre amis ou les articles dédiés au genre* : on aime le caractère addictif de la série, sa capacité à nous faire saliver d’un épisode à l’autre, on aime à se sentir proches de personnages que l’on voit évoluer pendant des heures et des heures. Or dans le cas de Misfits, que l’on s’en tienne à ces raisons-là ou qu’on en attende autre chose (tout simplement se divertir, y déceler quelque ambition sociétale ou se laver le cerveau), on est face à un échec.

L’histoire de ces post-ados réunis pour partager des travaux d’intérêt général, et qui se retrouvent par hasard dotés de super pouvoirs après un orage, est d’abord très anarchique dans le sens où elle ne suit aucun fil conducteur, si ce n’est la mort de l’instructeur des petites frappes. Une goutte d’eau (en termes de durée et d’implications scénaristiques) dans un océan de non-événements. En fait, on comprend très vite que Misfits ne joue ni sur le créneau de l’histoire puzzle qui se construit épisode après épisode (façon The Wire), ni sur le créneau esthétique façon Mad Men. Non, Misfits c’est avant tout un gigantesque concours de vannes. Malheureusement, l’humour de la série se situe principalement en dessous de la ceinture, et se limite surtout à de la potacherie pure et simple.

Il faut dire que les anti-héros de Misfits sont réduits à de simples caricatures, agaçantes et grimaçantes. Entre l’autiste flippant, le petit merdeux (qui tient le premier rôle et symbolise à lui seul l’impuissance de la série), la racaille gentille, on en passe, les occasions sont maigres pour susciter la surprise, chacun des protagonistes étant prévisible dans ses réactions et ses attitudes. Il y a en fait beaucoup à redire dans la façon très démonstrative qu’ont choisie les plumes de Misfits pour donner du corps à ces caractères/prototypes. Cela vaut surtout pour le quatrième épisode, qui aurait pourtant pu marquer un changement décisif dans la série de par sa construction différente (il s’agit de la seule vraie histoire de la saison, avec un début une fin et des enjeux dramatiques) : on crée de toutes pièces du liant entre les personnages au cœur d’un seul et même lieu, et en quarante-cinq minutes. Malgré son ambition scénaristique, l’écriture reste très scolaire, reprenant sans vergogne tous les poncifs du voyage dans le temps (l’un des super-pouvoirs en question permet d’en changer le cours), et ne fait que nous conforter dans l’idée première que Misfits relève du domaine du comique de situation ou du dialogue percutant, un point c’est tout. Las. Rares sont les occasions où les scénaristes de cette première saison parviennent à faire de ces jeunes gens marginalisés autre chose qu’une accumulation de petits faits et gestes, de petites phrases plus ou moins bien senties.

On ne peut évoquer Misfits sans parler de sa mise en scène. Ralentis, caméras embarquées grossières (lors de la saoulerie de Kelly notamment), on a le droit à beaucoup trop d’effets de manche pour qu’on ne puisse pas accuser l’équipe chargée de la mise en scène de racolage à moindres frais. Bien sûr, les contraintes d’argent inhérentes au monde de la série (bien que celles-ci soient de mieux en mieux financées) jouent sur la qualité de l’éclairage, celle de l’image, elles laissent moins de temps pour se préoccuper des critères esthétiques ou du cadrage. Mais dans ce cas pourquoi ne pas privilégier la neutralité, la transparence, plutôt que d’étaler des procédés faciles ? Une chose est sûre, ce n’est pas Misfits qui nous convaincra que l’aspect « réalisation » des séries revêt la même importance qu’au cinéma.

Bref, Misfits n’aurait pas tant de succès, ce serait une série qu’on aurait volontiers passée sous silence. Mais dans cette époque où la frontière entre le septième art et la série est on ne peut plus perméable (on ne compte plus les réalisateurs capés recrutés par HBO**), on peut penser qu’il est important de dire que l’on attend d’autres noms que Misfits sur la liste des séries qui auront permis à ces deux arts de se rencontrer enfin.

*Cf. le très bon numéro 658 des Cahiers du Cinéma dédié au monde de la série.

**Martin Scorcese, Michael Mann, David Fincher, et Kathryn Bigelow notamment.

François Corda

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Misfits (saison 1) de Howard Overman (Royaume-Uni ; format 45 min)

Année de diffusion : 2010

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