Mission : Impossible – Protocole Fantôme
Brad Bird

DeterreLe nouvel opus de l’entreprise Mission Impossible ne laisse pas beaucoup le choix pour la critique. Tout comme il présente deux visages entre lesquels il ne cesse d’alterner, il appelle sur lui deux regards différents qu’on est tenté de séparer aussi schématiquement. Mais la réalité de ce Protocole Fantôme est heureusement plus complexe que cela. Elle est bien plus hybride que schizophrène. Donc tentative ci-dessous d’un regard critique de synthèse.

Le premier visage que le film arbore est clairement le moins intéressant des deux car le moins inventif. C’est celui du film d’action pur porc, où la haute technologie s’articule à la grande agilité des corps et des esprits. Amortissement des chutes ou distraction fatale, quoi qu’elles produisent comme effet, les prothèses technologiques sont au cœur de l’action sans pour autant jamais la modifier profondément. Par exemple, en pleine tempête de sable, c’est un téléphone mobile qui sert de radar pour retrouver l’ennemi. Mais il n’est ici qu’un instrument fonctionnel de plus dans la surenchère d’astuces bling-bling. Il ne représente ou ne relaie aucune idée critique particulière quant à l’aveuglement ou l’illusion des sens. Il fait genre. Dans ce film, l’usage général des technologies et leurs effets sont tellement appuyés qu’ils en perdent toute poésie. Un radar reste un radar. Ce n’est pas un dauphin ou une chauve-souris.

Le deuxième visage présenté est celui plus intéressant de l’autodérision. Le film fait mouche tout particulièrement quand il révèle son côté pastiche. L’arrivée au Kremlin des agents Ethan Hunt et Benji Dunn déguisés en officiers russes, ainsi que leur chorégraphie cinématographique dans le couloir d’accès aux archives, dissimulés littéralement derrière une image mobile qui semble être « aux aguets », sont les plus belles idées du film. L’humour notable qui perce dans cette scène (Tom Cruise, acteur décidément monolithique, étant heureusement bien aidé par le jeu plutôt bien senti de Simon Pegg) participe d’un effet beaucoup moins forcé et prévisible que pour les scènes d’action. Dans ces moments plus inventifs où la technologie devient plus « animale », c’est-à-dire plus vivante et animée sans que l’homme lui soit forcément nécessaire, quelque chose de plus fort opère alors dans l’image et allège considérablement l’ensemble du film.

Mais il serait trompeur de dire que Mission Impossible : Protocole Fantôme n’est qu’une œuvre clignotant entre ces deux pôles. De laquelle on pourrait dire tout simplement qu’elle est faussement réussie côté divertissement et vraiment prometteuse côté pastiche de soi. Ce serait trompeur car ces deux pôles ne sont pas simplement juxtaposés. Ils sont montés, mélangés ensemble au sein d’un même espace et d’un même temps par un souci commun : dépasser toujours un peu plus la limite du vraisemblable ; et assumer cette volonté de toujours porter plus loin cette limite. Le hic ? On ne sait pas au juste pour quoi ce souci est si important ici. Quel est l’objectif de tant jouer avec l’invraisemblable ? En ne proposant aucun regard visionnaire sur la composante technologique de l’homme en devenir (Minority Report reste un élément de comparaison utile à ce sujet), et en ne faisant que lorgner avec envie sur l’univers de James Bond où la technologie sert une mise à distance cultivée et un flegme tout britannique (la ressemblance de Jeremy Renner avec Daniel Craig est sans doute plus qu’une coïncidence), ce Mission Impossible est vraiment impossible à ne pas se donner une mission claire et ambitieuse !gg

Jacques Danvin

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Mission : Impossible – Protocole fantôme de Brad Bird (Etats-Unis ; 2h13)

Date de sortie : 14 décembre 2011

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