IL ÉTAIT UNE FOIS EN ANATOLIE
Nuri Bilge Ceylan

EnterreIl était une fois en Anatolie un meurtre que les autorités locales veulent élucider. Le principal suspect est requis de donner l’endroit précis où il prétend avoir laissé le corps de sa victime. Son escorte est composée uniquement d’hommes qui n’espèrent qu’une seule chose : qu’on retrouve au plus vite le cadavre pour passer à la suite. Malheureusement pour eux l’affaire va traîner toute la nuit, ils ne trouveront finalement le corps qu’au petit matin et sans avoir toutes les réponses à leurs questions.

En choisissant pour récit cette enquête policière qui n’avance pas, Nuri Bilge Ceylan met clairement à l’épreuve ses trois personnages principaux qui font partie de l’escorte du suspect. Le commissaire, le procureur et le médecin. Tous trois sont chargés de mettre leurs compétences respectives au service de l’enquête. Mais si l’intrigue va les conduire à découvrir une vérité, ce n’est pas celle du crime. Il s’agit pour chacun d’entre eux de révéler quelque chose de soi. La honte de fuir ses responsabilités familiales. La souffrance d’avoir causé la perte de l’être aimé. L’incapacité plombante à vouloir transformer sa vie.

De même que l’intrigue policière d’Il était une fois en Anatolie semble prétexte à mettre en crise ces personnages, à un autre niveau le film paraît mettre à l’épreuve le spectateur lui-même. La mise en scène de Ceylan réclame ouvertement beaucoup de patience. Que ce soit le rythme lent sur lequel s’égrènent les actions, les digressions hors du récit ou les clins d’œil réfléchis à l’univers de Sergio Leone, nombre de choix du réalisateur semblent indiquer l’existence d’un hors-champ au film dont pourtant peu de choses sont dites. En un long plan séquence une pomme tombe d’un arbre dans un pré en pente, roule jusqu’au bas et va emportée par le courant du ruisseau. Plus tard dans une maison sans électricité, une jeune fille apparaît en beauté à la lumière d’une lampe à huile et sidère tous les hommes à qui elle sert le thé. Derrière une porte fermée, le suspect est interrogé dans une situation de face à face qu’on devine sans qu’on puisse la voir, et pendant ce temps dans la cour, des vêtements volent au vent au bruit des portes et des volets qui claquent. C’est beau. C’est chiant.

Au bout d’un long et pénible travail, au spectateur de trouver seul sa propre fin pour s’en sortir, et ce dans un univers fictionnel où chaque personnage a une raison grave de se plaindre, mais avec lequel tout le monde compose finalement sans réellement se révolter. Il était une fois en Anatolie : intelligent, mais fatiguant.gg

Jacques Danvin

bub

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Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan (Turquie, Bosnie ; 2h37)

Date de sortie : 2 novembre 2011

bub

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