30 jours de nuit
David Slade

DeterrePetit film de vampires sorti dans une relative indifférence en 2007, 30 jours de nuit de David Slade porte pourtant en lui une intemporalité et une universalité qui le font sortir très rapidement du cadre du divertissement mineur, genre consommable pas désagréable mais aussi vite vu, aussi vite oublié.

Cette intemporalité tient au fait que le théâtre des événements, cette petite communauté autarcique perdue en Alaska, la ville de Barrow, pourrait en effet aussi bien être celle des premiers hommes, de par son environnement hostile (neige, nuit et froid), que celle des derniers, tant le monde extérieur y est inexistant. Et comme pour placer très vite les enjeux en dehors de nos repères actuels, la technologie s’efface dès le départ : dans 30 jours de nuit, dès les premières minutes il n’y a plus de téléphones portables (tous brûlés), et très vite il n’y a plus de lumière (l’électricité est coupée). Si bien que Barrow se retrouve dans une situation qui évoque aussi bien la situation pré-industrielle qu’une éventuelle période post-apocalyptique, sans ressources énergétiques ou presque. L’échelle de temps a disparu et cet état de fait plonge le spectateur dans une certaine angoisse.

Ensuite, l’universalité de 30 jours de nuit, c’est cette palette très large des caractères humains qu’a réussi à façonner David Slade en seulement quelques personnages symboliques. D’où ce sentiment prégnant que les habitants de Barrow ne sont pas seulement des hommes, mais bien un vrai condensé d’humanité. En marge de ces personnages symboliques (Beau Brower, véritable ours solitaire du village, incarne le courage et la force, quand le frère du shérif personnifie la timidité, et Billy, l’adjoint, une lâcheté teintée de folie rédemptrice) évolue le couple parfaitement neutre de Josh Hartnett et Melissa George. Cette neutralité a ceci de positif qu’elle permet à chacun des spectateurs de se glisser aisément dans la peau des personnages et donc de ressentir à plein leurs péripéties. Du reste il n’y a pas ou peu de gestes héroïques dans 30 jours de nuit, comme pour renforcer cette idée que ces protagonistes qui se meurent les uns après les autres, ce pourrait être nous, forcément tétanisés face un ennemi qui nous est bien trop supérieur. Le passéisme des personnages de 30 jours de nuit est lui aussi universel, comme leur peur.

Dernière subtilité  de 30 jours de nuit, et non la moins fascinante, la langue parlée par les vampires, particulièrement effrayante, joue sur un registre guttural, heurté, physique (entre le cri, les onomatopées et une certaine forme d’élégance) qui ne rappelle rien de connu. Si bien qu’elle achève de faire de ces suceurs de sang, non des super-humains comme on les dépeint habituellement, mais des véritables monstres. Ou plutôt des non-humains, en opposition à ce que sont les anti-héros parfaitement normaux de 30 jours de nuit. Ce petit élément de scénario qui n’a l’air de rien a ceci de précieux qu’il est à lui seul un condensé de mystère : ces vampires parlent une langue d’un autre âge, on pourrait presque dire d’un autre monde. On ne sait pas d’où ils viennent ni ou ils retourneront. Mais c’est tant mieux, le mystère de leur venue renforce leur toute puissance et ramène les survivants de Barrow à ce qu’ils sont : de simples humains, attachants dans leur vulnérabilité.

François Corda

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30 jours de nuit de David Slade (Etats-Unis ; 1h45)

Date de sortie : 9 janvier 2008

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