THE ARTIST
Michel Hazanavicius

—–EnterreThe Artist donne l’impression de monter en gloire l’escalier du succès et de tomber bêtement en manquant une marche. Pour être exceptionnel il aurait fallu au film d’Hazanavicius qu’il maintienne tout au long de sa durée l’exigence réfléchie de son introduction. Malheureusement, une fois passée la longue et brillante exposition, The Artist s’enfonce dans un développement laborieux que seule la toute fin vient un peu sauver dans un contretemps amer.

Michel Hazanavicius réussit dans la première demi-heure quelque chose de suffisamment rare pour être souligné. Non seulement il émeut par son histoire (un joli coup de foudre entre deux beaux acteurs de cinéma muet, orgueilleux et ambitieux), non seulement il interpelle quant à la manière de représenter cette histoire (par le cinéma muet et dans le cinéma muet), mais en plus il parvient à amplifier l’émotion et le questionnement par leur entremêlement. Car dans cette introduction l’histoire racontée n’est pas prétexte à questionner le cinéma, et inversement le cinéma n’est pas un simple instrument à produire des émotions grâce à sa manière de raconter l’histoire. Plus finement, l’histoire d’amour de George Valentin et de Peppy Miller n’a de sens et d’avenir que par rapport à l’état de l’industrie du cinéma muet, et le choix du cinéma muet pour The Artist ne s’explique pleinement que par rapport à cette histoire d’amour.

Cette intrication des deux éléments (l’histoire d’amour et le cinéma muet comme mode de représentation) est tellement forte que la mise en crise de l’un appelle inévitablement la mise en crise de l’autre. L’apparition dans l’histoire elle-même du cinéma parlant est le point de bascule narratif qui fait de George Valentin un has been au profit de Peppy Miller qui s’impose à sa place comme une star dans le paysage hollywoodien grâce à son charme, sa voix et son grain de beauté. Mais sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, le film dans sa mise en scène ne prend pas le virage que lui propose sa narration, et fait comme s’il n’avait pas, dans son régime de représentation, à se mettre en crise lui aussi. Pourtant le début du virage est esquissé lors de cette incroyable scène de cauchemar où grâce à l’arrivée historique du cinéma parlant le monde autour de George Valentin semble être désormais capable d’émettre des sons. Dans cette scène tout se met à faire du bruit, tout, à l’exception de George Valentin qui est privé de voix et ne peut qu’hurler en silence. A ce moment précis la crise est double justement : c’est celle de l’artiste George Valentin et c’est celle aussi de The Artist.

Mais ce début enthousiasmant de mise en crise du cinéma muet dans et par The Artist n’est en fait pas programmatique. La mise en scène manque la marche en refusant de passer, même partiellement, au parlant. Elle hésite et revient vite à ce qu’elle a été jusque là. Le régime du cinéma muet reprend alors ses droits sans jamais plus être vraiment remis en cause. Le film s’enfonce alors dans une longue descente aux enfers fastidieuse et sans surprise. La magie du début n’opère plus, ni dans l’histoire, ni dans la mise en scène. George saoul et harcelé par son double miniature, la vente aux enchères truquée, l’interview vaniteuse de Peppy : tout devient prévisible.

Ce n’est sans doute pas un hasard si le retour de la magie du début coïncide avec l’introduction finale et tardive du parlant. Après la séquence proche du musical où George et Peppy dansent ensemble et qui se présente comme une synthèse possible de leurs deux époques et styles, la voix se fait enfin entendre. Mais c’est celle du producteur, et elle intervient juste après le soupir essoufflé et commun aux deux amants réunis. Ce soupir, hélas !, sonne alors amèrement comme un soulagement d’en avoir terminé.bub

Jacques Danvin

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The Artist de Michel Hazanavicus (France ; 1h40)

Date de sortie : 12 octobre 2011

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