Toy Story 3
Lee Unkrich

EnterreToy Story 3 constitue un pas en arrière dans la démarche initiée par Pixar depuis Wall E (2009) de s’adresser de manière frontale à un public adulte. On se souvient des introductions magnifiquement sombres de Wall E et Là-Haut. Elles planaient sur l’ensemble des deux œuvres jusqu’à leur conférer une forme de nostalgie assez étrangère au monde de l’enfance. Toy Story 3, en dehors de ses atours alléchants de divertissement haut de gamme, se joue plutôt comme une constante volonté de régression vers le premier âge.

Woody, le cowboy héros de la franchise n’a qu’un espoir, répété à l’envie tout le long du métrage : qu’Andy, le gamin qu’ils ont vu grandir (et devenu désormais un étudiant) ne les oublie pas, voire, dans l’idéal, qu’il joue encore avec eux. Ce que ce dernier fera d’ailleurs à la fin ! Ce refus du changement, cette volonté presque morbide d’assujettissement (Woody va braver tous les dangers pour revenir dans le foyer de son « maître ») vont clairement à l’encontre des lumineuses quêtes d’évolution, d’humanisation des principaux caractères de Wall E et Là-Haut.

A plusieurs reprises dans Toy Story 3, le film n’est pas loin de retrouver la gravité solennelle de ses deux aînés, mais chaque fois, l’effet est désamorcé par une pirouette scénaristique. A ce titre la scène de la décharge publique est très représentative : les jouets se retrouvent sur le point d’être carbonisés dans une fonderie et dans un élan superbe forment un cercle en se tenant la main, attendant la mort la tête baissée. La scène est gigantesque jusqu’à ce que, tout à coup ils se retrouvent libérés de manière tout à fait improbable ; comme si la réalisation n’assumait pas la charge émotionnelle envoyée aux enfants qui verront le film. Dans un même registre, Andy se retrouve à la fin du film contraint de donner ses jouets à l’une de ses voisines, et on aurait pu espérer que ce geste d’abandon soit affirmé. Mais non, là encore, il ne peut abandonner ses jouets sans leur dire au revoir et jouer une dernière fois avec eux.

On peut trouver ça beau, et d’ailleurs d’une certaine manière, ça l’est. Le savoir-faire Pixar fait avaler beaucoup de choses : le film est trépidant, et ce serait mentir que de prétendre que l’on ne s’amuse pas. Mais on peut regretter aussi que le studio n’ait pas poursuivi dans cette voie osée du dessin animé qui parlait, enfin avec sincérité, aux adultes. Avec Toy Story 3 on a le sentiment que le studio a voulu faire revivre à son public « mâture » l’âge d’or de son enfance. Pourtant c’est précisément lorsque Pixar nous considérait comme de grandes personnes que ses talents de conteurs et graphistes prenaient un supplément d’âme : que ce soit le vieux monsieur de Là-Haut (de toute évidence le héros du film, quand l’enfant, turbulent, n’est que son faire-valoir), que ce soit le robot de Wall E, seul survivant d’un monde déserté par les humains, on était face à des personnages confrontés à la solitude et à la mort, des sentiments étrangers au monde de l’enfance, mais porteurs d’une force toute particulière. C’est dommage, car en l’état, Toy Story 3 n’est donc « que » un très bon dessin animé… Pour enfants.——————-

François Corda

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Toy Story 3 de Lee Unkrich (Etats-Unis ; 1h40)

Date de sortie : 14 juillet 2010

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