SAILOR ET LULA
David Lynch

EnterrePas question de remettre en question l’importance de David Lynch dans le cinéma contemporain, les seuls Elephant Man, Lost Highway et Mullholland Drive sur un CV feraient pâlir 95 % de ses pairs. Simplement, on peut s’étonner, plus de vingt ans après la sortie de Sailor & Lula et de sa canonisation à Cannes (palme d’or), que le film suscite encore aujourd’hui un tel culte. Esthétiquement assez laid, ce cinquième long métrage de l’américain souffre de nombreux tics nineties irritants : les apartés avec la petite sorcière sont insignifiants, vilains, et les crinières choucroutes comme les scènes de coucherie baignent dans un mauvais goût que n’auraient pas renié les sémillants producteurs d’Hollywood Night.

Plus globalement, Sailor & Lula est saturé. Saturé d’événements (si bien que certains d’entre eux deviennent par le fait des non-événements), saturé de personnages, trop nombreux, se voulant tous tellement « extraordinaires » qu’ils deviennent banals. Et si le couple dessiné par Lynch suscite indéniablement la sympathie, et parfois la drôlerie, que dire de la galerie qui l’entoure ? Irritante (la mère de Lula, vraiment too much) ou transparente (Santos, Perdita outrancièrement mystérieux), elle pâtit de sa simple « figuration », de son inutilité patente dans un scénario inutilement alambiqué. Seul Bobby Peru, vrai pervers incarné par un Willem Dafoe immense, comme d’habitude, est véritablement jouissif en second rôle. Plus surprenant encore : on sait la capacité de David Lynch à créer du mystère, du malaise sur des situations courtes, incompréhensibles parfois, mais qui agrégées forment un tout subjuguant. Mais au final, ici, combien de passages de pure mise en scène qui cassent le rythme et se révèlent incapables de susciter l’étrange ou le bizarre ? Trop, indéniablement. Et quand on voit une vieille folle se peinturlurer la tronche pendant plusieurs minutes avec son rouge à lèvres, on a simplement envie de dire stop !

Bref, si Sailor & Lula se révèle pourtant au fond assez agréable à regarder, ce n’est que grâce à la folie de Nicolas Cage, décidément grand acteur, dont la palette de sentiments, de la bêtise crasse à la violence gratuite, en passant par l’assurance animale et l’amour transi est absolument hallucinante. Pour lui, rien que pour lui, Sailor & Lula se laisse regarder sans déplaisir, mais sans que l’on soit dupe des procédés mis en place par Lynch pour tenter (vainement) de faire vivre sa machine à cauchemars. Machine autrement plus efficace et fine dans les œuvres citées en introduction.C

François Corda

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Sailor et Lula de David Lynch (Etats-Unis ; 2h04)

Date de sortie : 17 août 1990

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