POSTMAN
Kevin Costner

DeterreDire de Postman qu’il est l’un des films les plus honnis du septième art n’est pas exagéré. Cinq Razzie Awards (et dans les catégories les plus symboliques !), c’est une performance encore jamais égalée à ce jour. Pire film, pire acteur, pire réalisateur, pire scénario et pire bande originale. A en croire ce drôle de jury, si Kevin Costner avait voulu pondre la « pire » bouse de tous les temps il ne s’y serait pas pris autrement. Et c’est là que le bât blesse. Bien que l’on connaisse le caractère bouffon d’une telle cérémonie, on ne peut s’empêcher d’y voir une sorte d’acharnement à l’égard d’un homme qui a pourtant fait les beaux jours d’Hollywood de la fin des années 80  au début des 90. Oui, cette flopée de prix humiliants seulement deux ans après la vilaine méprise des critiques au sujet de Waterworld, on peut légitimement penser que ce n’est pas un hasard. Comme si à cette époque, il était de bon ton de considérer le Costner comme définitivement has-been.

Voilà qui est curieux : Postman est loin d’être ce nanar intersidéral tant décrié. Ambitieux comme pouvait l’être Danse avec les Loups sept ans auparavant, on peut facilement voir cette deuxième réalisation de l’américain comme un anti Waterworld. Bien sûr les deux métrages sont des westerns déguisés dans un monde post-apocalyptique, bien sûr leur personnage principal est solitaire. Mais lorsque le film de Kevin Reynolds revendiquait fièrement son aspect B-Movie (action, humour etc.), Postman brandit ses ambitions épiques, voire politiques en étendard et ça rigole pas (trop). Enfin, quand le héros des aventures aquatiques était fort et imperturbable, courageux, le facteur se débat dans un monde aride, et se révèle étonnement casanier, voire couard par instants. Il forge un mythe, soit, mais seulement grâce à sa naïveté, et surtout bien malgré lui, sans mesurer la portée de ses actes. C’est d’ailleurs l’une des grandes réussites de Costner : pendant plus de deux heures (le film en fait presque trois), il s’acharne à rester un modèle d’anti-héros plutôt touchant. On peut également affirmer que le cadre de son film est réjouissant : on n’apprendra à personne que le réalisateur maîtrise parfaitement les grands espaces, et il s’en donne ici à cœur joie. Quant au personnage du  général Bethlehem, il est assez réussi en apprenti dictateur aussi bestial que cultivé. Les deux premières heures de Postman se suivent donc avec un plaisir certain : on est dépaysé, on est séduit par ce looser qui récite Shakespeare comme une chèvre, ces deux imposteurs de fortune.

C’est lorsque que Costner n’en peut plus de se retenir (au fond, on sait tous qu’il adore jouer aux grands hommes, aux sauveurs, tous ses rôles en témoignent) que le film part en sucette. La rupture est impressionnante : dès lors qu’il assume son rôle d’homme providentiel, de mythe vivant (car il est perçu comme tel dans le monde de Postman), le barrage que s’était imposé Costner (le réal comme le personnage du film) explose et on assiste à un déluge de ralentis, de bons sentiments, de patriotisme et autres saloperies desquelles le film  ne se remettra pas. Cerise sur le gâteau, une triplette de scènes  en guise de final interminable, dont la beauferie n’a d’égal que l’honnêteté dont font part les deux premiers tiers. Quelle qu’en soit la cause (scénaristes, monteur, l’ego de Costner ?), un tel gâchis est évidemment impardonnable. Mais de là à crier au scandale, il y a un fossé : celui qui sépare les deux premiers chapitres du dernier.

François Corda

bub

———

Postman de Kevin Costner (Etats-Unis ; 2h58)

Date de sortie : 12 décembre 1997

bub

08/20
Comments
  • Anonyme

    Ce film est tiré d’un excellent roman. (Postman). Avoir lu le livre n’aide guère à apprécier le film.

Commencez à écrire et validez pour lancer la recherche.