Evil Dead
Sam raimi

EnterreAucun doute là-dessus, Evil Dead marque bien une date dans l’histoire du film d’horreur. Car jusqu’à l’an de grâce 1981, date de sortie du premier opus de Sam Raimi, ce cinéma de genre était subversif, souvent socialement/politiquement engagé et donc d’une certaine façon solennel (citons La Nuit des morts-vivants, Massacre à la tronçonneuse ou Carrie en chefs de file ultra premier degré). Par conséquent, côté spectateurs, ça ne rigolait pas non plus; et si c’était le cas, c’était certainement plus pour se protéger de la violence dérangeante des images et du propos que parce que les films prêtaient à sourire.

Si l’on en juge par cette première réalisation, Sam Raimi, vingt ans à l’époque, avait visiblement, lui, envie de se marrer. Et peut-être l’ambition cachée de faire basculer le genre dans l’entertainment. Ce qu’il a sans aucun doute réussi. Courageusement, sans un kopeck en poche, il s’est mis en tête de nous compter l’histoire de quelques jeunes décérébrés en lutte contre de méchants esprits, qui finissent par posséder les corps de nos joyeuses troupes ! Evil Dead est donc une histoire de sorcières, ni plus ni moins, destiné à appâter un public de teenagers s’identifiant à nos jeunes bipèdes débiloïdes. La grande magie du film, c’est qu’avec le temps, il a acquis un statut culte. Alors que, on peut vous le dire maintenant, il ne s’agit que d’un vulgaire petit naveton. Franchement, découvrir le premier film de Sam Raimi près de trente ans plus tard est une expérience terrible, tant le résultat semble en totale inadéquation avec tout ce qu’on peut lire dessus. Censé terroriser mais également susciter l’hilarité, on peut sans remords aucun affirmer qu’il échoue dans les deux domaines.

Premier constat : l’Américain se révèle incapable de stimuler la moindre réaction de terreur. Il faut dire qu’à moins d’être un superstitieux maladif, ces petites histoires de sorcières sont totalement inoffensives. C’est une évidence, mais la peur n’est jamais aussi grande que lorsque l’on peut s’identifier aux personnages ou que l’on peut imaginer vivre leur situation. Et quand un élément fantastique s’invite, il FAUT que le spectateur y croit. Sinon, comment s’inclure dans les péripéties des protagonistes ? Romero et De Palma l’avaient très bien compris : les morts-vivants, Carrie et sa télépsychopathie sont effrayants parce qu’ils nous ressemblent, parce que, définitivement, on s’identifie à eux. Les sorcières de Raimi, elles, pâtissent déjà d’une absence de vie, d’histoire (on ne sait rien d’elles, elles ne semblent exister que pour décimer de pauvres quidams peu chanceux), et surtout, elles subissent les terribles conséquences d’un budget ridicule. Les effets spéciaux, certainement primés par un jury sous psychotropes, sont catastrophiques (cf. les spots visibles dans la forêt, les monstres en pâte à modeler). Second point : le Mal, chez Sam Raimi, prend un visage grotesque, déshumanisé, qui décrédibilise toute l’entreprise des pionniers de l’horreur, qui consiste à le disséquer, le montrer à l’œuvre sous toutes ses coutures, non pas du côté des monstres, mais de l’humain.

Bien sûr, d’aucuns n’hésiteraient pas à défendre le produit en nous faisant croire qu’il s’agit d’une superbe mise en abîme du genre, visant à le démembrer consciencieusement pour mieux dénoncer les vulgaires procédés destinés à nous faire frissonner. Honnêtement ? Même en essayant d’y voir une parodie (ce qui implique donc de définitivement éluder l’aspect « épouvante », pourtant revendiqué ça et là par ses nombreux admirateurs), on ne peut qu’être consterné par ce manque de rythme et d’inventivité. Tout y est prévisible. Evil Dead n’apparaît au final que comme une vilaine blague potache.bub

François Corda

bub

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Evil Dead de Sam Raimi (Etats-Unis ; 1h25)

Date de sortie : 1981

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