Les chroniques s’enchaînent et bien souvent, c’est leur faiblesse, elles mettent en avant une capacité, probablement coupable, à surprendre et à étonner. Les sons mille fois entendus sont-ils pour autant condamnés à errer sans espoir de rédemption, mis à l’index par des oreilles blasées ? Cette assertion pourrait être une sorte de règle, à laquelle il faudrait absolument apporter quelques exceptions. S’il n’y en avait qu’une possible, il pourrait s’agir de la musique de Popa Chubby, dinosaure inamovible depuis plus de trente ans, tel un de ces légendaires gardiens d’airain veillant quelque temple sacré.
Si ce rock bluesy était l’alpha et l’oméga de ce sanctuaire, la guitare en serait l’idole. Gardien intraitable et garant du culte, ce musicien prompt à faillir jaillir de ses doigts des notes comme s’il en pleuvait joue comme s’il avait reçu une mission divine du fantôme de Jimi Hendrix. Dans ses mains expertes, une six cordes geint, frémit, frissonne, se tord de douleur ou de plaisir, tutoie les sommets ou plonge dans les tréfonds.
Comme bien d’autres, Popa Chubby sort un album de confinement, enregistré à domicile. Avec ce mélange d’humour qu’on lui connaît, fait de dérision et parfois d’amertume, le voici donc seul chez lui, avec son petit chapeau d’aluminium, à chanter un touchant besoin d’humanité. L’artiste se fait mordant, perdu dans les turpitudes de son temps, et affirme que le bon vieux rock, et quelques unes de ses déclinaisons historiques, le reggae par exemple, reste pertinent, voire salvateur.
François Armand
Popa Chubby / tinfoil hat (Etats-Unis | 12 mars 2021)