CHRISTIAN LOFFLER
Parallels : Shellac Reworks

Très loin des standards électro minimalistes, parfois martiaux, propres à faire vibrer les murs et les corps des mythiques clubs Berlinois, le DJ et producteur Christian Löffler se démarque avec un son bien souvent aux frontières des genres, rythmé par les machines et habillé de petites touches organiques, faites de notes de piano égrainées avec soin et de bruissements enregistrés, comme si l’artiste avait encapsulé des instants de vie dans ses compositions. Parfois, une voix s’ajoute, ses collaborations sont nombreuses, pour donner un ensemble à la fois irrésistiblement entraînant et doux, à l’image d’une danse solitaire dans le froid d’un crépuscule d’hiver sur une plage de la Baltique, région d’origine de l’artiste.

Dans son nouvel album Parallels : Shellac Reworks, le musicien change sa formule. Le voici dévorant avec un appétit vorace, comme saisi d’une faim insatiable, le patrimoine du grand label de musique classique Deutsche Grammophon (dont les encadrés jaunes ornant les pochettes de disque sont si reconnaissables, gages d’un classicisme à l’épreuve du temps). La vénérable institution a mis à sa disposition des enregistrements originaux très anciens, dans le cadre de The Shellac Project, projet de conservation consistant à numériser ses archives. Ainsi tous les grands maîtres y passent, en particulier Beethoven qui fit d’ailleurs l’objet à lui seul d’un précédent EP sorti il y a peu, à la manière d’un avant-propos.

Le résultat de ce travail est souvent sophistiqué, les machines œuvrant avec une sorte de respect qui confinerait presque à de la pudeur. Lorsque l’artiste travaille la sonorité originale de sa matière première à la manière d’un peintre impressionniste, c’est pour restituer l’émotion à travers les âges, dans une démarche qui n’est pas sans rappeler ses habitudes, lorsqu’il collecte les bruits qui habillent son quotidien pour en faire des symphonies. La dimension fantastique originale des morceaux s’en trouve encore plus accentuée, allant parfois jusqu’à conférer au registre du merveilleux. Si « Parsifal » évoque à la base un héros dans son armure étincelante, Löffler, par sa musique, le met en scène dans la brume, comme une silhouette fantomatique, à l’instar de l’atmosphère qui baigne ses productions antérieures.

La démarche consistant à dépoussiérer des œuvres anciennes n’est pas nouvelle et permet avant tout à un public parfois hermétique à la musique classique d’y accéder plus facilement. Cela ne semble pas être le sens de la démarche de Löffler, qui s’empare véritablement des morceaux dans une véritable opération de transformisme. C’est classieux sans être pompeux, résolument moderne et un brin branché.

François Armand

Christian Löffler / Parallels : Shellac Reworks (Allemagne | 12 février 2021)

 

 

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