LE PRESTIGE
Christopher Nolan

EnterreLe sacro-saint scénario a toujours été le tendon d’Achille de Christopher Nolan. Et ses meilleurs films (citons Inception, Interstellar et Memento) le sont précisément parce qu’ils s’émancipent de la rigidité de leur concept, jusqu’à devenir dingos et se concentrer sur ce que Nolan sait le mieux filmer : l’action. Le Prestige ne fait malheureusement pas partie de cette catégorie, et suit laborieusement, à la lettre, les trois phrases du tour de magie exposés lors d’un incipit interminable.

« La promesse » : celle, tout de suite, à grand renforts de costumes et de décors immersifs, d’un grand film d’époque avec acteurs prestigieux. D’une rivalité fabriquée entre deux personnages plutôt insipides ; et que l’on encombre d’amourettes ralentissant inutilement le récit, comme si Nolan se retenait volontairement d’exhiber ses biscoteaux. Mais le réalisateur a du mal dès lors qu’il faut faire patienter son spectateur.

« Le revirement » : le surgissement de l’impossible. Dans Le Prestige, il naîtra des mains d’un Tesla auquel David Bowie prête ses traits et qui, comme ses collègues Hugh Jackman et Christian Bale, a du mal à faire éclater son aura. Mais on sait gré à Nolan, lors de cette deuxième phase, de nous réserver tout de même quelques beaux plans mystérieux dont il a le secret (les chapeaux dans la neige, l’apparition de la « machine » de Tesla), de faire rebondir avec agilité des mauvais coups assez inattendus entre ennemis, de dévoiler un peu plus les enjeux de ses allers-retours temporels : le bluff prend du sens et nous fait espérer.

La troisième et dernière phase : « le prestige » : autrement dit, l’ébahissement. Bizarrement, alors que la conclusion du film est théoriquement aussi belle que cruelle, Nolan tombe dans le piège que ses personnages magiciens dénoncent : il révèle son « truc ». Il ne peut s’empêcher d’expliquer plutôt que de suggérer. Et il insiste : un plan (en prison), deux plans (un dernier face à face entre les magiciens), trois plans (dans lequel c’est Michael Caine qui découvre, après le spectateurs, le pot-aux-roses) auxquels on ajoute une multitude de flashbacks, au cas où on n’aurait pas encore bien compris.

Il y a une forme de fierté déplacée et finalement préjudiciable dans cette accumulation de « preuves » qui achèvent de faire du Prestige un film scolaire et un peu ennuyeux, bien loin du tour de passe-passe qui se laisse promettre après un premier acte compassé.

François Corda

| 15 novembre 2006 | Etats-Unis


 

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