TOOL & OPETH
fear inoculum & in cauda venenum

EnterreL’accueil réservé aux derniers albums de Tool et Opeth est suffisamment bon pour que l’on prenne ces deux tentatives de réactualiser le rock progressif au sérieux. Ringardisé une première fois par le mouvement punk à la fin des années 70, puis une seconde à la fin des années 80 par l’apparition du rock dit indépendant, il n’est finalement pas si étonnant que ce soit l’univers du métal, souvent réputé pour sa technicité, qui se fasse maintenant le héraut d’un style souvent taxé de maniérisme.

Mais ce n’est pas un reproche que l’on pourra faire à Fear Inoculum (Tool) et In Cauda Venenum (Opeth). Quand les premiers, qui ont gagné leurs lettres de noblesse par la subtilité de leurs compositions, donnent plutôt l’impression de faire du surplace, les seconds, qui incarnent un versant plus extrême du métal (tendance death avec growl et tutti quanti) se contentent de plonger aux racines du genre, empruntant sans vergogne au King Crimson des années 70 et au Genesis de Peter Gabriel (tout cela est évident dès les premières minutes de « Dignity »).

En tout cas, à l’écoute de Fear Inoculum, il est évident que Tool, aujourd’hui, ne fait plus beaucoup de métal et encore moins de progressif. Ce n’est pas un problème en soi, mais ces deux étiquettes accolées l’une à l’autre devraient promettre le soufre, le danger, des soubresauts. Or Fear Inoculum sent surtout la zone de confort. Ce n’est pas un disque retors, ce n’est pas un disque dangereux, c’est un disque qui, sombre peu à peu dans la monotonie de plages trop longues, de celles qui ont du mal à commencer, et du mal à finir. Ce qui frappe dans ce retour après plus de dix ans d’absence, c’est son caractère inoffensif (des riffs stoner plutôt banals qui tournent en boucles sur des morceaux dépassant allégrement les dix minutes quand ils pourraient être raccourcis de moitié) autant que son autosuffisance (« Chocolat Chip Trip » et sa pure démonstration d’esbrouffe d’un batteur en roue libre).

Le problème de In Cauda Venenum est autre. Les Suédois, pourtant déjà rodés à l’exercice du cocktail oxymorique death/folk, semblent étonnamment sages dans leur relecture des années 70, où tout semblait permis. Ils délaissent ici volontairement les aspects les plus râpeux de leur musique pour se concentrer sur le pur progressif, dont le groupe ne semble avoir gardé que le goût des structures complexes des chansons, et son décorum façon théâtre romantique. Les influences par trop présentes enterrent vite les intentions clairement grandioses, et ne reste alors que le maigre frisson du pastiche et un lyrisme un peu béat. In Cauda Venenum ne s’emballe jamais, nous laissant spectateur de l’évident savoir-faire d’un groupe qui n’a plus rien à prouver depuis longtemps, sans doute trop expérimenté pour repousser ses limites et celles d’un genre qui a déjà été décliné avec beaucoup plus de vigueur et de foi.

Ce qui manque finalement à ces deux institutions, c’est l’audace, la prise de risques qui va parfois aux confins du ridicule sans pour autant y sombrer. Fear Inoculum et In Cauda Venenum parlent une langue morte, et on peine encore à trouver la jeune génération qui saura la ranimer avec la passion qu’elle exige. En attendant, on pourra toujours se contenter des (rares) soubresauts de Marillion et de l’hyperactivité d’un Steve Hackett.

François Corda

Tool / fear inoculum (Etats-Unis | 30 août 2019)

Opeth / in cauda venenum (Suède | 27 septembre 2019)

 

 

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