LEPROUS
pitfalls

Décidément, le rock progressif occupe assurément beaucoup d’espace cette année, entre les mastodontes Tool ou Opeth et d’autres sorties plus ou moins confidentielles (Klone par exemple, que nous évoquions dans ces pages il y a peu). Cette scène s’oublie trop souvent au milieu de morceaux interminables, concentrée autour de sa créativité et de sa technicité, perdue loin de la simplicité essentielle nécessaire pour transmettre un imaginaire, une émotion ou encore inviter à la transe. Un groupe comme Leprous a toujours incontestablement laissé une place de choix à un propos sensible ou poétique sans jamais lésiner sur les moyens. Cette fois, avec Pitfalls, c’est différent. Les Norvégiens parviennent à se distinguer en douceur, sans effort apparent (donc sans moyen ostensible). Malgré les différentes tonalités qui rythment le disque, c’est une vraie sérénité, un sentiment d’apaisement qui finit par triompher.

Centré autour de la voix de son interprète, les Norvégiens s’ébrouent pour faire tomber l’étiquette « metal progressif » qu’on leur a facilement collée au fil de leurs productions. Seuls les éléments progressifs demeurent prégnants, mais ce sujet n’intéresse clairement pas le groupe qui relègue les questions relatives à leur évolution  au stérile – autant qu’inévitable – débat pour grincheux. D’emblée très… pop et mélodique, avec ces refrains emphatiques, cette voix haut perchée, ces arrangements classieux, Pitfalls surprend et s’assume pour mieux glisser vers des territoires plus brumeux, étranges et expérimentaux. C’est souvent atmosphérique, secoué au gré des vents ou parfois en suspension dans l’éther.

Le propos se résumerait finalement à une observation d’une tranche de vie, au ralenti, l’étude à cinquante images seconde de la transition entre une période de doute profond, aveuglement et ténèbres, et une brusque sortie, un grand bol d’air, un véritable bond vers l’azur et la lumière, un véritable élan. L’image choisie par le groupe, œuvre d’un photographe sans rapport avec le projet, s’en fait parfaitement l’écho en montrant ce petit musicien jouant dans les brumes sur les épaules d’un Dieu. Sans nul doute, le groupe tâtonne et rend compte de ses progrès en tentant d’approcher le sacré à travers sa musique.

François Armand

Leprous / Pitfalls (Norvège | 25 octobre 2019)

 

 

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