GLASS
M. Night Shyamalan

S’il y a bien quelque chose qu’on ne peut pas retirer à Shyamalan, c’est bien l’ambition théorique de ses films. C’est plutôt sur le plan formel ou de la narration que le réalisateur Américain montre parfois quelques faiblesses. Mais de ce point de vue, Glass lorgne heureusement plus du côté d’Incassable que du bancal Split.

En prenant une fois de plus le contrepoint du film de super-héros traditionnel (de spandex et d’affrontement spectaculaire il n’y aura pas ou si peu), Shyamalan cherche surtout à interroger la croyance du spectateur dans ce qu’il voit et ressent (ou veut croire et ressentir), à l’instar de ses trois personnages principaux. Glass : titre ô combien prophétique puisque le verre en question pourrait aussi bien être le miroir déformant que nous renvoient les personnalités multiples de ces héros cabossés, à la fois plein de certitudes et de doutes, qu’une allusion aux os de Elijah Price, ou au verre qui constituent les yeux de toutes ces petites caméras qui afficheront la Vérité au monde entier. Cette façon d’installer le doute se fait avec un certain sens de la poésie et de la mélancolie ; il y a en effet quelque chose de très doux dans le visage fatigué de Bruce Willis, sa passivité face aux événements. Le mutisme d’Elijah, son regard hagard et son fauteuil roulant font de lui une bête blessée.

Mais c’est surtout Kevin Wendell Crumb qui prend toute son ampleur dans Glass : lui qui était réduit dans Split à l’état de concept, il devient ici un spécimen de serial killer très touchant, plus fragile que terrifiant. Glass est un film torturé, malin et mal aimable, à l’image d’une époque dans laquelle se mêlent en permanence le vrai et le faux, jusqu’à l’étourdissement.

François Corda

| 16 janvier 2019 | Etats-Unis


 

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