On comprend bien pourquoi Paweł Pawlikowski a raflé le Prix de la mise en scène à Cannes, lui qui avait déjà remporté l’Oscar de la meilleure photographie pour Ida. Le réalisateur Polonais a en effet une véritable obsession des apparences : format 1:33, noir et blanc superbe, scénographie aux petits oignons, costumes et reconstitution itou. Mais question trouble c’est le néant absolu : la relation entre Zula et Wiktor se veut incendiaire, vorace, mais elle semble aussi glacée que le papier d’un roman photo.
Rien ou presque ne viendra perturber la perfection d’un savoir-faire (trop) millimétré, la vision d’un Paris de carte postale n’arrangeant rien à l’affaire. Mais il faudrait aussi évoquer une narration qui, pour mieux nous toucher, aurait du se dilater. Une heure vingt-cinq alors que la love story se déroule sur une dizaine d’années… Dans un contexte politique pour le moins chargé, on aurait aimé un peu plus de prise de risque de la part d’un Paweł Pawlikowski bien timoré : jamais la confrontation entre les deux mondes n’a réellement lieu. Zula et Wiktor sont bien sûr censés personnifier cette incompréhension entre l’Ouest et l’Est, mais c’est précisément tout ce qu’ils incarnent : des idées et des époques, figées par un cadre beaucoup trop étroit. Ce n’est pas du 1:33 qu’il fallait, mais du cinémascope
François Corda
| 24 octobre 2018 | Pologne