SWALLOW THE SUN
interview

RevueLe nouvel album de Swallow the Sun,  A Shadow Is Forced Into The Light, pousse encore plus loin son exploration des tourments insondables avec ce doom mélodique si pesant auquel le groupe Finlandais nous a habitué. Toutefois, plus lumineuses et encore plus vibrantes qu’à l’accoutumé, les nouvelles compositions sont comme guidées par une absolue nécessité. De fait, l’écriture de l’album a eu lieu autour du drame personnel vécu par Juha Raivio, guitariste au sein de la formation depuis la fondation du groupe, c’est-à-dire la perte de sa compagne. C’est Juuso Raatikainen, batteur du groupe, qui répond à nos questions.

François Armand : Même si on imagine qu’il peut être très compliqué et douloureux d’écrire sur ses propres blessures, sa propre histoire, est-ce l’album When A Shadow Is Forced Into The Light a été difficile à faire ?

Juuso : Juha nous a confié avoir fini d’écrire l’album durant le printemps 2017, pendant la période la moins dévastatrice pour lui. Chacun de nous, autour de lui, a essayé d’écouter chaque détail avec beaucoup d’attention sans pour autant perdre nos personnalités. Lorsque quelqu’un est en deuil, tout ce que tu peux faire c’est aider autant que tu le peux. Dans ce cas, ça passait par concrétiser la vision musicale.

F.A. : A-t-il été nécessaire de changer la méthode pour cet album, ou avez-vous travaillé comme sur Songs of the North ?

J. : Quasiment de la même manière. Sauf que l’ensemble du processus pour l’album a été beaucoup plus facile que pour l’album précédent, qui était triple. Moins de matière, plus de temps. Le contenu des chansons est aussi davantage chargé d’espoir (à l’exception de « Lumina Aurea »*). C’est aussi plus facile de travailler avec un seul auteur depuis que nous vivons chacun dans des villes différentes, c’est difficile d’organiser des sessions d’écriture.

F.A. : Y a-t-il eu quelques découvertes (ou re-découvertes) littéraires qui vous ont inspiré, personnellement ou artistiquement, pendant la conception de l’album ?

J. : Hmm… Pour moi la musique c’est de l’émotion pure. Je ne veux pas en faire quelque chose de trop intellectuel, surtout le heavy metal. Plus je prends de l’âge, moins j’ai envie d’être intellectuel. J’aime sentir les choses, pas les rationaliser. Pour la littérature et l’écriture de paroles sont des choses un peu différentes. Tu as juste besoin de trouver ton émotion dans les tripes pour écrire des paroles. Toutes les métaphores et références viendront naturellement après ça. Je suis certain que Juha a cette capacité, mais je pense qu’il a toujours du Edgar Poe à proximité.

F.A. : Est-ce que le sujet de l’album, c’est la résilience ?

J. : Bien sûr. Ou peut-être quelque-chose sur l’acceptation. Je suis assez chanceux de n’avoir jamais perdu quelqu’un de réellement proche jusqu’à présent. Donc pour complètement comprendre ça, je pense qu’il faut faire l’expérience d’une perte majeure et du combat pour se redresser.

F.A. : Une étude (**) sortie il y a de ça quelques années disait qu’une musique négative est capable d’aider les gens qui ont de sombres émotions à se sentir mieux. Le metal peut créer ce genre de résonance. Es-tu d’accord avec ça ?

J. : Tout à fait ! Je ne crois pas que le metal encourage le suicide (rires). Au contraire, cette musique a du en prévenir quelques-uns. Si j’ai un matin de merde, je dois aller marcher en écoutant Marduk et je me sens en quelque sorte purifié après ça. Personne ne te force à écouter de la musique agressive si ça te fait te sentir mal. Ecouter les Beach Boys non plus ! Tout ce qui te convient.

F.A. : Dans ton cas, est-ce que tu aurais pu avoir un autre moyen d’expression artistique ?

J. : Disons que j’aime faire appel à des amis qui sont illustrateurs, peintres, tatoueurs. Tu a toujours besoin de ces talents autour pour faire avancer la vision artistique que tu as en tête. Je n’ai jamais eu envie de peindre par exemple, car je pense que ça ressemble à de la merde ce que je fais. Je pense aussi que ce type de collaboration est nécessaire pour avoir d’autres perspectives sur l’art qu’on essaie de faire. Je ne peux imaginer faire absolument tout moi-même. Je suis aussi trop paresseux pour ça (rires).

F.A. : Votre musique exprime beaucoup de sentiments et des émotions fortes. Quel est ton état d’esprit quand tu enregistres ou quand tu vas sur scène ?

J. : Je dois dire qu’en effet, un groupe comme Swallow the Sun exige plus de toi que n’importe quel autre groupe. Je ne peux totalement pas jouer sur scène avec Swallow the Sun sans passer par une certaine phase pour être très concentré, environ trente minutes avant le début du show. En gros, j’essaie de faire sortir tout humour de moi avant de monter sur scène (rires). Cela peut paraître sombre, mais bon, c’est une musique sombre.

F.A. : Sur l’album, il y a un morceau (superbe), « Clouds on your side », qui est partiellement chanté en Français. Le texte a-t-il écrit spécialement pour l’album ? C’était la langue la plus appropriée pour exprimer cette poésie à ce moment-là ?

J. : Oui, cela fait partir de l’écriture de Juha que d’essayer de nouvelles choses, grâce à Satan. « Lumina Aurea » est en Latin. Le Français a été le choix pour ce morceau.

* : « Lumina Aurea » est un EP qui ne fait pas parti de l’album, il est complémentaire néanmoins de celui-ci.

** : https://www.uq.edu.au/news/article/2015/06/head-banging-tunes-can-have-same-effect-warm-hug.

François Armand

Swallow the Sun  / When A Shadow Is Forced Into The Light (Finlande | 25 janvier 2019)

 

bub

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