MØL
jord

Habituellement revêtu des oripeaux d’une mélancolie effroyable, le black metal prend chez Møl une tournure beaucoup plus optimiste, où la colère froide et combative se mêle à une forme de pureté habituellement absente des codes du genre. Le résultat, d’une beauté parfois sidérante, déchaîne les sens, entre sentiment de toute puissance et rêve éveillé.

Un courant du black-metal, en quête de respiration, s’est depuis quelques années mis en tête de s’approprier les propriétés du post-rock, delay langoureux et arpèges aériens de rigueur. Théoriquement ces deux univers désenchantés sont faits pour s’entendre, mais virant bien plus souvent à la recette téléphonée qu’à l’expérimentation osée, la combinaison tourne (à de rares exceptions près) à l’échec, et suscite un ennui poli. Møl semble l’avoir parfaitement compris, et préfère donc les climats atmosphériques d’une dream pop très haut perchée aux facilités mélodiques adoptées par tous les sous-Mogwai sortis de cave depuis quinze ans. En somme, le quintet Danois se révèle aussi adroit dans l’art délicat du songe sous acide que de la bataille rangée où l’agressivité des guitares le dispute à la frénésie d’une grosse caisse et d’une caisse claire déchaînées. Le contraste entre riffs cataclysmiques et envolées élégiaques, parfois utilisées en chœur, frôle par instants le sublime, comme si Slowdive utilisait désormais double pédale, distorsions écorchées vives, et que Neil Halstead et Rachel Goswell s’étaient mis à hurler comme des sorcières damnées.

Jord est un disque victorieux, un bras vigoureux faisant tournoyer sa masse d’arme gigantesque dans une armée charriant le malheur et le désespoir. Bref, le meilleur moyen de clôturer une année 2018 à bien des égards déprimante.

François Corda

Møl / jord (Danemark | 13 avril 2018)

 

 

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