L’HEURE DE LA SORTIE
sébastien marnier

DeterreLa grande tradition du fantastique dans la littérature, notamment à son âge d’or au XIXème siècle, passe par l’introduction d’une dose de surnaturel dans le réel, sans que cette distorsion de la réalité soit objectivable. L’exemple le plus connu en serait le Horla de Maupassant, qui voit un homme sombrer dans la folie alors qu’il est hanté par une créature invisible. En cela, L’heure de la sortie s’inscrit tout à fait dans cette tradition, sur la forme d’abord, en jouant sans cesse sur le champ cinématographique du genre horrifique, avec ses mouvements de la caméra discrets et insidieux. Sur le fond aussi, lorsque Pierre, le professeur interprété par Laurent Lafitte, se laisse engloutir par ses obsessions et commence à perdre pied avec la réalité. Cependant, point de manoir isolé dans la brume ici : L’heure de la sortie s’ouvre sur un plan fixant le soleil, introduisant une sensation d’étouffement dans un printemps caniculaire qui ne cessera pas. 

Le film voit s’affronter deux mondes, celui des enfants et des adultes. A l’instar des garçons des Disparus de Saint Agil, les ados de L’heure de la sortie forment un groupe impénétrable et le corps enseignant est incapable de décoder les signaux qui devraient les alerter (isolement, violence, stress). Dans le film de 1938, seul Walter, incarné par Erich Von Stronheim, étranger dans un monde des adultes s’apprêtant à sombrer dans la guerre, parvient à être accueilli dans la confrérie secrète créée par les écoliers. Ici, Pierre, professeur remplaçant, donc extérieur au microcosme, refuse l’apathie coupable de ses collègues. Il devient un messager navigant entre les deux mondes.

Sébastien Marnier filme cette école qui tente de s’isoler du monde extérieur en se concentrant sur ce qui ferait son excellence, entre le mutisme des uns et la complaisance aveugle des autres. En cela, un sous-texte pertinent vient s’ajouter à l’intrigue : il est trompeur de penser que les problèmes rencontrés par les élèves en-dehors de l’établissement resteraient à la porte de celui-ci. Ce qu’un élève subit à l’extérieur influence la manière dont il s’intègre à un groupe ou perçoit les apprentissages, et donc concerne l’école. Pierre, davantage habitué aux collèges difficiles qu’aux établissements privés (et donc privilégiés), le sait bien et tente de comprendre tant bien que mal l’attitude de ses élèves. A travers ce personnage, Sébastien Marnier fait basculer le spectateur dans l’étrangeté et le mystère.

L’heure de la sortie nous donne à voir une jeunesse lucide et désespérée, excessive par définition, qui sombre dans une forme de radicalité sous le regard indifférent d’un monde adulte démissionnaire. C’est porté par la musique hypnotique de Zombie Zombie que se contemplent dans une sorte de fascination morbide les images de ce professeur et de ses repères se craquelant sous un soleil de plomb.

François Armand

1h 43min | 9 janvier 2019 | France

Commencez à écrire et validez pour lancer la recherche.