HALLOWEEN
David Gordon Green

C’est une constante dans les récents (bons) remakes des films d’épouvante/horreur cultes des années 70-80 (La Dernière maison sur la gauche, La colline a des yeux, Evil Dead) : un réalisme froid et brutal en lieu et place d’une certaine poésie frondeuse et cynique. Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle si l’on considère les trois films précités : dans les cas de Vendredi 13 et La colline a des yeux, les élèves dépassent même les maîtres. Sean Cunningham et Wes Craven ont mis en place de vrais lieux et personnages mythologiques mais Alexandre Aja et Fede Alvarez ont su injecter dans ces microcosmes dégénérés une dose de sauvagerie malaisante et cathartique qui faisaient défaut à des récits et une mise en scène un peu convenues.

Le Halloween de David Gordon Green, qui fait fi de toutes les suites engrangées depuis le film original de John Carpenter, est à part ; même si la violence y est, époque oblige, donc, beaucoup plus frontale qu’en 1978. Ce remake là ne dit pas son nom, son histoire se déroulant quarante ans après le premier épisode, comme si Michael Myers ne s’était jamais évadé de son hôpital psychiatrique. Dans les faits, David Gordon Green accumule (et assume) les plans référence au monument de John Carpenter (voir ce moment délicieux où Laurie Strode disparaît aux yeux du serial killer, plan miroir du film de Carpenter, la séquence du placard, les psychopathes errant dans la brume nocturne ou la victime clouée au mur). Mais il offre aussi de nouvelles perspectives d’une grande richesse, directement liées au passage du temps et à ses dommages collatéraux.

Halloween nouvelle mouture insiste d’abord avec brio sur le lien indéfectible qui unit le bourreau à sa victime : Michael et Laurie ne (sur)vivent que pour achever un frisson qui date d’un demi-siècle, chacun emmurés dans leur prison physique et mentale (Laurie vit recluse dans une forteresse au fond des bois, en sosie d’Ellen Ripley, sèche et guerrière). L’impact psychologique du traumatisme est omniprésent : Laurie Strode est devenue aussi folle que Michael Myers, paranoïaque au dernier degré, obsédée qu’elle est par le fait de revoir apparaître le croquemitaine chaque fête des morts. Il y a aussi ce destin qui se transmet de génération en génération : la fille de Laurie a été forcée de revivre le combat de sa mère par procuration, la petite-fille Allyson rejoue la même partition que sa grand-mère quarante ans plus tard.

David Gordon Green ancre son Halloween dans un présent très perturbé, où le psychiatre se révèle aussi fou que ses patients, où le fantasme survivaliste trouve sa justification face à un terrorisme qui frappe au hasard, l’idéologie ici étant celle du mal absolu, sans visage et sans raison : effroyable.

François Corda

| 24 octobre 2018 | Etats-Unis


 

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