B. FLEISCHMANN
stop making fans

RevueTombé sous le charme de Stop Making Fans, dernier né de B. Fleischmann, Autrichien spécialiste d’une electronica aussi moelleuse qu’épineuse, et toujours empreinte d’une douce mélancolie, François Corda s’est décidé à poser quelques questions au principal intéressé.

François Corda : Vous avez commence votre vie musicale comme batteur, ce qui n’est pas courant pour un musicien qui fait de l’électronique. Quel type de musique jouiez vous à l’époque et comment en êtes-vous arrivé à l’électro ?

Bernhard Fleischmann : En fait, j’ai démarré avec le piano, quand j’avais sept ans, la batterie est venue plus tard. J’ai commencé à jouer en groupe vers quatorze ans, et un peu plus tard j’ai joué dans des groupes de hardcore/punk. Avec l’un de ces groupes on partageait un local de répétition et une fois je suis arrivé un peu trop tôt, et un autre groupe jouait encore. Un des membres de ce groupe utilisait un Roland MC 505. En écoutant je me suis dit « ouah ! » quel superbe instrument ! Du coup je me suis acheté un Roland MC 505 et j’ai commencé à travailler avec. Quelques mois plus tard j’avais mes premières chansons, et le tout parut sur Pop loops for breakfast en 1999. Mes premiers disques étaient uniquement produits avec le MC 505.

FC : Vous avez été très actif entre votre premier album en 1999 et I’m Not Ready for the Grave Yet (2012) ; vous avez sorti plus de dix albums. Mais depuis, soudainement, vous avez pris votre temps jusqu’à Stop Making Fans. Qu’avez-vous fait ces cinq dernières années ?

BF : J’ai beaucoup travaillé sur des musiques pour le cinéma et le théâtre ces dernières années. En 2014, j’ai commencé à travailler sur l’album actuel. Et pour la toute première fois, j’ai commencé à rassembler des idées et conçu des chansons sans me dire « j’ai besoin d’à peu près quarante cinq minutes de bonne musique » ; et tout à coup je me suis retrouvé avec pas moins de trente cinq pistes… Puis j’ai commencé à travaillé sur les arrangements avec Markus Schneider, qui joue les guitares, et les arrangements furent posés. Plus tard on a enregistré les parties de batterie et les voix, mais on avait encore trop de matériel. Ca a pris du temps de démêler tout ça et de trouver quelles chansons allaient le mieux ensemble pour le disque.

FC : Comment définiriez-vous le rôle des instruments acoustiques et de la voix dans votre musique ?

BF : C’en est une partie importante, qui étoffe et apporte des choses que je ne pourrais pas exprimer avec mon matériel électronique. De mon point de vue, ils colorent les idées musicales d’une façon idéale.

FC : Quelles sont vos habitudes quand vous composez de nouvelles chansons ? Commencez-vous avec les sons ou avec les mélodies ?

BF : Les deux. Parfois j’ai d’abord la mélodie, et je construis ensuite le reste autour, et parfois j’ai un son qui nécessite une mélodie… Mais d’habitude, après peu de temps, la musique elle-même prend le dessus,  et j’ajoute simplement ce dont j’ai besoin.

FC : Dans le cas particulier de Stop Making Fans, vous avez utilisé une méthode d’écriture différente ?

BF : Oui, comme je l’ai dit précédemment, j’ai d‘abord récolté un bouquet d’idées, avant d’aller dans les détails. Et on a travaillé davantage sur l’ajout des batteries et percussions, des parties vocales et guitares, qui nous ont mené vers d’importants changements dans les arrangements. Un certain nombre de parties vocales que j’avais au départ dans les arrangements ont du être laissées de côté d’ailleurs,

FC : Ecoutez-vous des artistes pour vous inspirer pendant le processus d’écriture ou au contraire fermez-vous les écoutilles pour garder votre univers de création vierge ?

BF : J’écoute en permanence de la musique, et écouter les autres m’aide à prendre de la distance par rapport à mon propre travail. Mais je ne me suis jamais dit « tiens je dois sonner de telle manière ». Bien sûr certaines influences viennent pendant le processus d’écriture, mais jamais dans l’intention de sonner comme quelqu’un d’autre. Certains pourraient toutefois remarquer que j’ai beaucoup écouté William Onyeabor ces dernières années… Juste pour citer un artiste parmi des centaines d’autres qui ont pu m‘impressionner et me surprendre la première fois que je les ai entendus.

FC : Pourriez-vous nous expliquer la signification de ce titre bizarre, Stop Making Fans ?

BF : En fait au départ je pensais à Between the chairs, there’s place for stairs, comme un appel à la liberté de ne pas devoir rentrer dans des cases. Fin 2015, je me suis dit, j’ai besoin d’un titre politique, et j’ai pensé à Stop Making Fences parce que les clôtures n’ont aucun sens pour moi, mais Markus Schneider (qui joue donc de la guitare sur l’album) a d’abord compris Stop Making Fans, et je me suis dit que c’était nettement mieux ! Parce que précisément les clôtures, en politique, sont faites pour remporter des votes… Et gagner, d’une certaine manière, des fans. Et personnellement je hais cette façon de procéder. Quand je vois l’orientation répugnante que prennent les hommes politiques ces derniers temps, j’ai juste envie de dire « je suis en désaccord avec vous ». En même temps, je pense que c’est important de dire aux plus jeunes qu’ils ne doivent pas céder au battage médiatique, et avoir confiance dans leurs propres idées. C’est ce que je veux dire dans « The A train » : réfléchir avant de « prendre son train » ; autrement dit, où veut-on aller et pourquoi.

FC : Comment avez-vous choisi cette sublime pochette ? Qui est l’illustrateur ?

BF : La pochette a été faire par Julia Guther qui fait d’ailleurs toutes les pochettes pour le label Morr Music. J’ai juste envoyé mes idées et pensées et elle a traduit ça au travers de cette superbe illustration.

FC : Vous êtes Autrichien. Que préférez-vous dans votre pays ?

BF : Hmm, c’est un peu difficile de répondre à cette question en ce moment. L’Autriche, comme beaucoup d’autres endroits sur le globe en ce moment, subit un changement pour le moins triste et laid. Bien sûr il y a encore beaucoup d’aspects positifs qui concernent notamment la vie de tous les jours, la sécurité, la diversité culturelle etc. Mais pour autant  il y a clairement un discours effrayant, ignoble, assorti d’un courant de pensée qui mêle égoïsme et étroitesse d’esprit qui prennent de l’essor. Evidemment l’histoire de l’Autriche n’est pas encore réhabilitée. Et de nos jours les politiciens n’ont aucun problème à prétendre «  je n’étais pas né, donc je n’ai à savoir ce qui s’est passé à l’époque ». On a tout à coup des membres de fraternités d’extrême droite qui arrivent à de gros postes, on a des politiciens qui hurlent que la télévision Autrichienne est responsable de fake news quand ils se montrent critiques. Et le plus triste dans tout ça, c’est qu’on a clairement une partie de la société qui vote pour ce type de politique et n’a aucun problème avec ce type d’orientations. On a de toute évidence un manque d’idées qui pourraient nous montrer qu’il existe une autre façon de penser la société et la solidarité.

FC : Quels artistes Autrichiens me conseilleriez-vous, quel que soit le style ?

BF : Je suis désolé mais je ne catégorise jamais la musique de façon géographique.

FC : Etes-vous toujours en contact avec Herbert Weixelbaum ? J’aime beaucoup votre projet avec lui, Duo 505, mais votre dernier album remonte déjà à six ans !

BF : Pas vraiment, en fait nous avons perdu contact ces dernières années et je ne sais même pas s’il fait encore de la musique actuellement. En revanche de mon côté, je joue de la batterie dans un autre projet nommé Villalog, si ça vous intéresse (http://www.villalog.com/?page_id=31).

FC : Vous êtes signé sur le label Allemand Morr, qui représente un type de musique très particulier (et qui héberge notamment The Notwist). Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont Tomas Morr gère son label ? Quelle est sa force selon vous ?

BF : Je  vois cette collaboration comme une véritable chance, Tomas Morr est très professionnel, honnête, et il est d’ailleurs devenu au cours de ces vingt dernières années un bon ami. Au sujet de la façon dont il conduit son label, il vaut mieux évoquer cela directement avec lui… Pour moi sa force vient de son ambition et la place qu’occupe actuellement son label est le résultat de tout le travail qu’il a abattu par le passé.

B. Fleischmann / stop making fans (Autriche | 2 février 2018)

 

 

bub

 

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