Fabien Toulmé
interview

RevueUne fois n’est pas coutume, ce n’est pas de musique ou de cinéma que l’on parlera ici mais… un peu des deux, via le dernier roman graphique de Fabien Toulmé. Champion de la délicatesse, ce dernier nous avait déjà gratifié d’un premier chef d’oeuvre en 2014 avec Ce n’est pas toi que j’attendais. Il réitère l’exploit cette année avec Les deux vies de Baudouin, chronique bouleversante d’un quotidien bouleversé.

François Corda : Ce n’est pas toi que j’attendais était purement autobiographique, Les deux vies de Baudouin contient-il aussi une part d’autobiographie, et si non, comment est né ce désir d’histoire chez vous ?

Fabien Toulmé : Disons que dans n’importe quelle histoire on met (en tout cas je) une part de soi, que ce soit dans la façon dont on fait « jouer » les personnages, dont on raconte les situations. Dans le cas de Baudouin en plus de cet élément je voulais parler de la problématique des choix de vies, qui m’a concerné : avant de faire de la BD j’étais ingénieur. Et ça m’a amené à réfléchir à une problématique qui me parait assez contemporaine, pourquoi ne s’écoute t’on pas, tout simplement à l’heure de choisir sa vie et pourquoi, contrairement à il y a sans doute plusieurs dizaines d’années, est-on si attentif à son épanouissement, à son plaisir personnel. Et c’est en partant de cette thématique que j’ai construit, de façon purement fictive, l’histoire de Baudouin et son frère Luc.

FC : Les deux personnages sont volontairement très limpides, on s’y identifie immédiatement, que l’on soit homme ou femme d’ailleurs, et les situations que vous décrivez, dans leur normalité, touchent, à mon sens, absolument tout le monde. En lisant Les deux vies de Baudouin, je me suis dit que cette thématique, universelle, et ces personnages, universels aussi, contribuent à rendre votre histoire presque thérapeutique, et pourrait faire office d’électrochoc pour beaucoup d’entre nous. C’était le but ?

FT : Comme pour Ce n’est pas toi que j’attendais, mon seul but pour Les deux vies de Baudouin était de raconter une histoire, quelque chose qui me touche et qui me donnerait envie, en tant que lecteur, d’ouvrir le livre. Après c’est à chacun de s’en emparer et d’en tirer les « conclusions » ou « leçons » qu’il veut. Effectivement, de part la thématique il y a forcément des éléments qui vont amener certaines personnes à s’interroger sur leur vie… et d’autres non. Tout dépend de la sensibilité et de la réceptivité de chacun.

FC : Vos deux romans revêtent un caractère sériel, mais vous avez choisi le format du roman graphique plutôt que celui de la série. Y-a t’il des raisons particulières à cela ?

FT : Pas vraiment. De mon côté ça obéit à une logique d’unité de l’œuvre : l’envie de faire un one shot qui se suffise à lui même. En tant que lecteur je préfère avoir un seul livre. Après peut être que chez l’éditeur il y a une logique commerciale que je ne connais pas. Ca correspond aussi à une époque où ce genre de thématique est traitée sous la forme de « roman graphique », à savoir un format plus petit que le format « classique » et un grand nombre de page. Après, si le nombre de pages avait été beaucoup plus conséquent, je l’aurais peut être scindé en tomes.

FC : Baudouin est rockeur dans l’âme, mais il aurait pu être peintre, écrivain, danseur etc. Pourquoi rockeur ? Êtes-vous lié à ce courant musical ?

FT : A la base, je pense que ce genre d’état d’âme (j’aurai tellement aimé faire ci au lieu de ça) concerne surtout ceux qui ont des vocations artistiques d’abord parce que ce sont des métiers passion et surtout parce que ce sont des métiers risqués d’un point de vu financier. Cela conduit donc souvent à faire des choix « par sagesse ». J’aurais donc pu effectivement le faire peintre, sculpteur, auteur de bd, mais je voulais un domaine qui soit assez éloigné du mien, quelque chose qui me paraisse encore plus en contradiction avec son métier de juriste.
Je crois qu’il est difficile de faire un plus grand écart qu’entre l’esprit rock et tout ce que ça implique et un boulot de juriste très carré et plein de rigueur. Et puis, comme je l’ai dit, je fais souvent vivre mes personnages comme si j’agissais moi même et j’avais envie de jouer de la musique dans ce livre J’ai fait beaucoup de guitare étant jeune et j’aurai beaucoup aimé jouer dans un groupe. Peut être à l’avenir, qui sait ? Pour ça il me faudrait un peu de temps pour m’y remettre parce que j’ai un peu perdu la main.

FC : Quel est le dernier album en date que vous ayez écouté et qui vous à vraiment marqué?

FT : Ca fait trèèès longtemps que je n’ai pas écouté d’album. Soit j’écoute la radio, soit des playlists sur internet et dont je ne connais d’ailleurs pas toujours les morceaux. Je fonctionne assez par phases et je suis très éclectique dans ce que j’écoute. J’ai eu ma phase hip-hop américain (Wu Tang, Gravediggaz…), Folk (Dylan…), chanson française (je suis un GROS fan de Brassens), World (musique brésilienne surtout mais aussi cubaine, africaine…) quand j’écris des scénarii j’écoute beaucoup de musique classique. Bref, je n’ai pas vraiment répondu à la question

FC : Pas de problème ! Vous voyez un lien entre le cinéma et la BD ? Moi oui, mais un ami, cinéphile et amateur de BD comme moi n’est pas du tout du même avis. En allant à l’Expo Hergé j’ai vu un extrait à amusant où le réalisateur Yves Robert décrivait justement une planche de Tintin en termes techniques de réalisation. Êtes-vous cinéphile ? Quel film vous a vraiment marqué ces derniers temps (dernières années)?

FT : Disons que pour moi ce sont deux médiums en même temps proches (de par les termes techniques de plan par exemple) et très différents. Selon moi, l’essence de la BD c’est ce qui se passe entre chaque image, c’est ce silence, cette absence qui créé l’histoire puisque c’est l’imaginaire du lecteur qui créé la transition entre deux plans. Au contraire, le cinéma c’est l’enchaînement des images. Mais ces deux médiums se rejoignent puisqu’il s’agit finalement dans les deux cas, de raconter une histoire avec de l’image.

Sinon, je suis un grand fan de documentaires, moins de films de cinéma même si j’aime beaucoup ça. Dans les films il n’y en a pas UN que je puisse mettre en évidence, j’en ai beaucoup aimé un paquet : Raging bull, Trainspotting… (à chaque fois qu’on me pose ce genre de question je sais que je vais me rappeler dans les jours qui suivent d’autres films mais à ce stade je ne vois que ça). En documentaire j’ai regardé dernièrement celui sur OJ Simpson, qui est passé sur Arte, il était très bien, très prenant.

FC : Je vous propose qu’on finisse par une dernière question sur vos influences en matière de BD et les auteurs que vous suivez actuellement.

FT : Je dirais qu’il y a deux types d’influences. Dans le premier « panier » il y a ceux qui ont marqué mon imaginaire d’enfant et qui y ont laissé des traces indélébiles qui continuent d’influencer mon style même si je ne les lis plus forcément: c’est Tintin, Lucky Luke en premier lieu, puis Astérix, Les Tuniques bleues… Et dans le deuxième « panier » il y a mes lectures actuelles que je ne peux pas qualifier d’influence parce que je crois que quand on est « formé » graphiquement et stylistiquement (si je puis dire) on est moins susceptible de modifier la façon dont on travaille en fonction de ce qu’on lit. En tout cas j’aime beaucoup ce que font Trondheim, Sattouf, Delisle, Crumb, Joe Matt, Bouzard et quantité d’autres !

FC : Merci Fabien Toulmé !

François Corda

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Fabien Toulmé / les deux vies de Baudouin

Date de sortie : 15 février 2017

 

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