Radiohead
a moon shaped pool

DuelMaintenant que la frénésie (prévisible) autour de la sortie de A Moon Shaped Pool est passée, place au constat froid et clinique. Radiohead, ce n’était pas mieux avant par hasard ?

Ivann Davis : Je suis un grand admirateur de Radiohead, quand l’album OK Computer est sorti, cela a été une révélation pour moi, la sensation d’écouter les nouveaux Beatles, LE groupe emblématique d’une génération. Ce groupe a-t-il la même importance pour toi ?

François Corda : J’ai un rapport compliqué avec Radiohead. J’ai longtemps eu un souci avec la voix de Thom Yorke que je trouvais (et trouve encore parfois) geignarde. Mais j’ai réussi à l’apprivoiser au moment de la sortie de Kid A, et depuis je suis revenu sur mes a priori et même si je n’ai pas de passion pour ce groupe, j’admire une grande partie de leur discographie, qui s’étend de The Bends à Hail to the Thief inclus. Radiohead, à mon avis, a commencé à perdre de sa superbe avec In Rainbows, et s’est rattrapé avec The King of Limbs, disque sans génie, mais rythmiquement et émotionnellement intéressant. A Moon Shaped Pool est un disque que je trouve un peu trop sûr de sa force, avec de grands moments et d’autres plutôt ratés. Donc oui, je trouve que c’est un groupe important, indéniablement. Ou plutôt c’était…

ID : Le coffret 7 cd (2003-2013) parût en 2008 est à mon sens une bible pop. Après l’album Hail to the Thief ils ne cesseront de chercher, à l’instar d’un sportif de haut niveau approchant la quarantaine, une nouvelle forme olympique mais en vain. Radiohead c’est terminé ?

FC : Non. C’est peut-être la fin de leur grande période, mais je reste toujours très curieux des circonvolutions d’une carrière quand celle-ci a connu de tels sommets. Le plus grand problème de Radiohead aujourd’hui c’est qu’ils ne se renouvellent plus vraiment alors que cette capacité à muer était sans doute l’un de ses plus grands attraits. Et puis je n’entends plus vraiment un groupe jouer, mais plutôt une somme d’idées, un peu molles, interprétées par un backing band posé poliment derrière Yorke. Le fait que ce dernier ait entamé une carrière solo (au même titre que Phil Selway d’ailleurs), que Jonny Greenwood fasse des bandes originales de son côté, tout cela révèle, à mon sens, la fin d’une époque passionnelle du groupe avec sa propre histoire.

ID : A l’écoute de l’album, il semble que Radiohead ait définitivement délaissé les structures axées sur le sempiternel couplet/refrain, privilégiant une forme plus progressive, plus atmosphérique ou répétitive. J’ai la sensation que Radiohead sonne de moins en moins comme du Radiohead et de plus en plus comme d’autres groupes actuelles non ? Parfois j’ai la sensation d’écouter un mix de Tame Impala et James Blake…

FC : Ca fait un moment (depuis Kid A je dirais) qu’ils ont quitté les formats standards pour épouser une forme plus libre de composition. Mais oui, on pourrait penser qu’ils poussent le concept un peu plus loin avec A Moon Shaped Pool. En tout cas, c’est un disque qui m’a d’abord énormément déçu, parce que j’attendais (voulais ?) de l’énergie, de la spontanéité et que tout cela est absent ici. Mais il faut reconnaître qu’il reste un fil rouge, cette fragilité, pérenne, elle, et qui reste touchante par endroits. Mais depuis In Rainbows le groupe intellectualise trop sa musique et a perdu une part de sa personnalité dans le processus. Du coup, oui, je suis complètement d’accord avec ton analyse !

ID : Radiohead était le groupe de pop qui pouvait m’émouvoir aux larmes. A Moon Shaped Pool est un bel album, c’est plaisant à écouter, ça contente les oreilles mais ne touche pas vraiment votre cœur. Et l’émotion dans tout ça ?

FC : Oui c’est un problème. Depuis In Rainbows ils font une musique moins spontanée, comme je l’avançais plus haut, ce qui est un choix sans doute tout à fait conscient et indiscutable, mais qui provoque de fait moins d’émotions directes. On retrouve en effet du Tame Impala et du James Blake dans le Radiohead de ces dernières années. Il me semble d’ailleurs que The King of Limbs était revendiqué à sa sortie comme un disque de dubstep… Malheureusement pour moi, il se trouve que je suis peu réceptif au travail des artistes que tu cites. Pour être tout à fait sincère, j’ai tout simplement envie que Radiohead reprenne les guitares, peut-être est-ce de la nostalgie mal placée, je ne sais pas, mais j’aimerais ressentir à nouveau cette passion, ce feu que l’on ressentait à l’écoute de leurs disques majeurs. Je ne sens plus chez eux la volonté de faire quelque chose de grand, que ce soit dans la forme ou dans l’impact émotionnel.

ID : Le seul bon point de l’album c’est ce retour aux instruments traditionnels et cette voix plus « mesurée »…

FC : Je suis d’accord. Et pourtant, je n’ai pas la sensation que ce soit un groupe derrière, mais plutôt, sur la plupart des morceaux, des exécutants. Pour que Radiohead redore son blason à mes yeux, son image de grand groupe, il va falloir qu’ils puissent se remettre en question réellement, ce qui passera peut-être par l’écriture d’un nouvel hymne pop. Ca peut sembler absurde d’attendre d’eux qu’ils ressortent un tube, mais force est de constater que l’importance d’un groupe de ce style se mesure aussi à son universalité. Radiohead n’est plus universel à mes yeux. C’est devenu quelque chose de presque psychédélique, parfois très beau, parfois très ennuyeux. Comme si en cherchant à tout prix à se distancier de leur image de pop stars (constructions de morceaux alambiquées, absence volontaire de morceaux immédiats), ils s’étaient un peu perdus en chemin…bub

Ivann Davis et François Corda

bub

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Radiohead / a moon shaped pool

Date de sortie : 8 mai 2016

 

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