Maxence Cyrin
interview

RevueAlors que Maxence Cyrin s’apprête à donner un concert au Sunset/Sunside à Paris le 23 Février, ce dernier a bien voulu répondre à nos questions, fascinés que nous sommes par la qualité de son travail de reprises. Depuis Modern Rhapsodies (2005), le pianiste français a imposé un style qui l’élève bien au-delà des covers pop-rock polies et/ou opportunistes dont on nous abreuve habituellement. En ce sens, Maxence Cyrin s’impose comme un véritable artisan/compositeur de reprises.

François Corda : Il est très difficile de faire une mauvaise reprise d’une bonne chanson ; mais il est encore plus difficile de parvenir à faire aussi bien que l’originale, ou mieux ! Et c’est ce que vous parvenez à faire avec Modern Rhapsodies, Novö Piano I & II. Quelle est le secret d’une bonne reprise selon vous ?

Maxence Cyrin : Il n’y a pas vraiment de secret mais quelques règles que j’applique et aussi un peu d’intuition. Il faut d’abord définir un répertoire, je pense que c’est le plus important, ensuite, je m’astreins à ce qu’aucune de mes reprises ne fasse « piano-bar », c’est ce qu’il y a de pire ! Je tiens également à ce que l’on reconnaisse l’original, donc en fait cela fait pas mal de contraintes pour obtenir un résultat satisfaisant. Je suis donc souvent obligé d’essayer beaucoup de titres pour ne conserver que ce qui fonctionne et qui puisse provoquer l’émotion chez l’auditeur.

FC : Comme vous allez chercher dans des registres aussi différents et riches que l’électronique, la pop, le métal, on a l’impression que ces disques de reprises pourraient se reproduire à l’infini… Comment sélectionnez-vous les morceaux que vous souhaitez reprendre ? Avez-vous abordé ces choix différemment dans Novö Piano II que dans le premier opus ou Modern Rhapsodies ?

MC : Disons que pour Novo Piano I (sorti en 2010), il y avait l’idée de reprendre en partie des tubes pop actuels comme MGMT ou Beyoncé, pour Novö Piano II, ce sont des morceaux qui ont une résonnance plus personnelle chez moi, des morceaux qui ont bercé mon adolescence ou ma vie de jeune adulte comme le « Clubbed to death » de Rob Dougan. Pour chaque album, il y a une direction différente, et j’essaie de ne pas refaire la même chose à chaque fois.

FC : On a le sentiment que vous vous écartez de temps à autre du tempo binaire qui caractérise les chansons pop, que certaines harmonies s’écartent des morceaux originaux. Ces deux éléments nous font indéniablement basculer dans le monde du classique. Est-ce une volonté consciente de votre part d’abolir les frontières entre deux mondes ?

MC : Disons qu’à chaque disque j’essaie de pousser plus loin le processus de la reprise, et puis au fur à mesure que je pratique le piano et que j’apprends les pièces du répertoire classique voire jazz, mon langage musical s’enrichit d’où une plus grande complexité dans mes adaptations.

FC : Pensez-vous que certaines œuvres de la pop n’ont rien à envier à de grandes œuvres classiques ? Si oui, quelles seraient-elles ?

MC : Je ne sais pas si on peut comparer… Il y a certes une réduction du langage musical depuis le 20ème siècle et l’avènement de la pop music donc une certaine facilité d’apparence, mais il y a tout de même des œuvres qui, en termes de puissance et de force d’évocation ou d’originalité stylistique, me font vibrer autant que certaines œuvres classiques. Je ne peux pas tous les citer mais je pense notamment au Pet Sounds des Beach Boys, les premiers albums des Cure, presque tout Kraftwerk, la liste est longue…. J’aime beaucoup de choses différentes en fait, mais je crois que c’est le cas de beaucoup de monde maintenant, n’est-ce pas ?

FC : Quelles seraient vos reprises préférées et pour quelles raisons ?

MC : J’adore Richard Cheese !!! Un Crooner made in Las Vegas qui reprend tout et n’importe quoi avec un humour décapant, c’est la grosse classe.

FC : Venons-en à vos disques de composition, Instants, Nocturnes et The Fantaisist. Le piano y reste très présent, l’esprit de musique classique aussi (surtout dans Nocturnes), quand bien même l’on connait votre goût pour le monde de la pop. Sur Novö Piano II vous laissez pour la première fois une place à la voix. Serait-ce une petite porte d’entrée vers de futurs disques plus orchestraux, à la façon d’un Cascadeur par exemple ?

MC : L’intervention de la voix sur Novö Piano II tient plus de l’aparté que d’une réelle transition, ce sont des envies communes avec les interprètes qui ont faits qu’ils se trouvent sur le disque. Par contre, pour ce qui est d’introduire d’autres instruments que le piano, j’y pense souvent et j’aimerais bien faire un album qui mélangerait piano, cordes, et autres instruments.

FC : Il y a certaines similitudes, lointaines, de votre travail avec celui des débuts de Yann Tiersen et de Max Richter. Que représentent ces artistes pour vous ?

MC : Ce sont des artistes que j’aime bien et que je respecte. Ils font partie de ma génération, de gens qui ont grandi avec la pop, la musique classique mais également la musique minimaliste et répétitive. Nous sommes tous un peu les enfants de Philip Glass !

FC : Les deux artistes précités composent beaucoup de musiques de films. A ma connaissance vous n’en avez pas encore écrit. Est-ce que cela vous intéresserait, avez-vous déjà été sollicité pour cela ?

MC : On m’a beaucoup sollicité ces derniers temps pour utiliser ma cover de « Where is my mind », notamment pour des séries américaines. Bien sûr, cela m’intéresse mais je n’ai pas encore rencontré les bonnes personnes pour que cela se concrétise. Et puis les gens ont tendance à me cataloguer pianiste de reprises alors que je compose depuis très longtemps, mais ce sont mes covers qui ont été médiatisées. Malgré tout j’ai composé beaucoup de musiques de films muets pour La cinémathèque Française et également plusieurs musiques pour des courts-métrages. Je pense que cela viendra à un moment donné.

Comment se dessine l’avenir pour vous (concerts, collaborations, compositions) ?

Je vais déjà me concentrer sur la tournée de Novö Piano II et préparer mon live le mieux possible. J’ai aussi 2 ou 3 projets d’albums qui sont à l’état d’ébauches pour l’instant. Je compose très souvent notamment en improvisant au piano, après il faut trier et faire des choix…bub

François Corda

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Maxence Cyrin / novö piano II

Date de sortie : 13 novembre 2015

 

bub

 

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