Björk
vulnicura

DuelSi Björk garde globalement son aura auprès des grands médias, il persiste quelques voix dissonantes qui remettent en question ses disques de plus en plus conceptuels. Justement, François et Martin s’opposent sur le dernier né de l’Islandaise, Vulnicura

François Corda : J’ai réécouté la discographie de Björk en me demandant : « quand et pourquoi y a-t’il eu rupture avec cette artiste que j’ai tant aimé il fût un temps. » Depuis Vespertine la chanteuse islandaise a pris un tournant artistique, ce qui est a priori tout à son honneur. Mais ce changement de cap a vu s’éloigner la simplicité pop des débuts pour embrasser (d’abord avec succès si j’en juge par la beauté de Vespertine) avec le temps une complexité factice. Björk me fatigue depuis Medulla parce qu’elle hypertrophie ses chansons et même son chant.

Martin Souarn : Je ne suis pas spécialiste de la discographie de Björk comme tu sembles l’être, et en l’état, sans avoir à le comparer à ses précédents travaux je trouve Vulnicura très réussi. Tu taxes la musique de l’Islandaise de faussement complexe ; je serais presque d’accord, mais dans le sens où je ne trouve justement pas le disque complexe ! Riche, oui certes, et cette richesse demande à être digérée a minima, mais derrière ce sont des chansons simples que la chanteuse nous délivre. Des morceaux comme « Stonemilker » ou « Black Lake » me paraissent brillants justement par la simplicité de l’écriture, pas chez toi visiblement ?

FC : Tu as raison, j’aurais du parler de richesse plus que de complexité. Richesse des arrangements, richesse des idées. Mais alors pourquoi tout cela me semble-t-il tellement plat ? « Stonemilker » et Black Lake » sont parmi les morceaux les plus réussis du disque parce qu’ils développent une idée jusqu’au bout. Mais la plupart du temps, dans Vulnicura, je m’égare et une forme de mollesse me submerge. Et de ce point de vue, Vulnicura n’est pas riche parce que les morceaux s’engouffrent dans des directions dont on se demande si leur auteure sait même où elles conduisent.

MS : Cette errance peut se justifier dans le concept que Björk insuffle dans son disque, celui du « heartbreak  album ». Dommage que tu n’aies pas accepté de te laisser porter !

FC : On pourrait apprécier ce sentiment de perdition si l’on était interpelé par des sons, des constructions de chansons étranges mais que tout cela est monotone ! On n’est jamais surpris dans Vulnicura malgré, à mon avis, la grande part d’improvisation. Bref la rivière est diablement sinueuse mais elle ne va pas bien loin !

MS : Monotone, vraiment ? J’y entends justement une grande cohérence d’ensemble, avec l’impression que les pistes se suivent dans un ordre précis qui accompagne le parcours de la chanteuse au long de sa « rupture ». Le concept de l’album donne à mon sens un indice clé, une façon – parmi d’autres – d’écouter Vulnicura. De l’ambivalence dignité/angoisse de « Lionsong », de la lamentation de « Black Lake » jusqu’à la cure écolo de « Atom Dance » suivie de la résolution de « Mouth Mantra », en passant par le vertige de la confrontation avec le vide de la perte, qu’exprime magnifiquement « Family » ; tout cela fait sens. Si errances il y a ici, elles font directement écho à la traversée du désert de l’Islandaise ; musicalement, l’aventure est vaste, mouvante et captivante. Il faut bien dire que s’il y a une artiste qui sait vagabonder avec grâce le long des circonvolutions de son chant, malgré ce que tu sembles reprocher à celui-ci, c’est bien Björk. On pourrait même dire qu’elle a trouvé en Vulnicura le concept parfait pour coller à ce tournant artistique dont tu parlais plus haut, en donnant dans un registre bien plus personnel que le faisait un Biophilia.

FC : Vulnicura ne peut pas faire sens que parce qu’on lui colle une étiquette de concept dessus, ce serait trop simple. Une unité sonore ne se justifie pas non plus parce que tous les morceaux se ressemblent. Disque de rupture peut-être… J’aurais justement aimé ressentir cette rupture dans la progression artistique de Björk. En l’état cette rupture n’est que symbolique, elle passe à travers les mots. Mais musicalement, je crois que l’Islandaise a désormais fait le tour de son électro symphonique libre, et surtout nombriliste (il suffit de regarder comment Björk se met en scène, ça devient un peu ridicule). Vulnicura, comme Medulla et comme Biophilia sont des trips, très arty, trop pour moi. Et l’émotion qui parcoure ses grands disques (je dirais Post et Vespertine) me semble désormais, très, très loin.bub

François Corda et Martin Souarn

bub

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Björk / vulnicura

Date de sortie : 20 janvier 2015

 

Bild aus der aktuellen Retrospektive Björk im Museum of Modern Art in New York (zu sehen vom 8. März bis zum 7. Juni 2015) / Credit: »Vulnicura »: Björk, Vulnicura, 2015. Copyright © 2015 Inez and Vinoodh. Image courtesy of Wellhart/One Little Indian / Weiterer Text über ots und www.presseportal.de/pm/9260 / Die Verwendung dieses Bildes ist für redaktionelle Zwecke honorarfrei. Veröffentlichung bitte unter Quellenangabe: « obs/VW Volkswagen AG/Museum of Modern Art New York »

bub

 

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