arman méliès
IV

DDeterreSur les photos qui accompagnent la promotion de IV, Arman Méliès ne regarde plus l’objectif, il regarde à-côté, et ce n’est pas forcément bon signe. Comme concentré par lui-même, le chanteur a quelque chose de plus dur, de moins fragile et de moins mélancolique – lui, le messager de la mélancolie. Oublions le look : à l’écoute, les souvenirs, la lucidité, le désespoir, la perte, la fertilité, tout ce qui appartient à la mélancolie semble resurgir. Mélancolie contagieuse, hypnotique, comme sur son précédent, Casino, un rocher, qui suspendait le temps. Plus proche du Vangelis de Bladerunner, dans IV, la mélancolie est désormais antique et post-apocalyptique.

On reconnaît Arman Méliès à plusieurs années-lumière : parole syncopée, texte détonant et clarté des embardées musicales. Comme si l’homme était un robot amoureux et détraqué, un androïde en plastique avec une âme, bref, une sorte de répliquant de Bladerunner. Le film de Ridley Scott évoquait la traque de ces êtres conçus à partir d’ADN humain, difficiles à distinguer des humains, et dont les souvenirs sont créés artificiellement. Nous y sommes, les orgues de Vangelis aussi : chez Arman Méliès, les humains sont des robots souffrants envoûtés par des souvenirs. C’est là peut-être que se trouve la clef de sa musique, ou tout au moins de ce quatrième opus.

IV, comme Bladerunner où la faune avait disparu et les nouveaux humains étaient artificiels, est un champ de ruines (des braises de « Pompéi » à « Dans la cendrée »). Ne reste que des vestiges, un « vieil alphabet », un « algèbre », « l’art perdu du secret » des civilisations d’avant, sur lesquels s’ancrent les souvenirs (« les vapeurs d’Italie ») et les atmosphères synthétiques d’un chaos naissant (« Fern Insel »). Tout est gris, noir et douloureux. D’où le besoin de principes et de lumière : « Jamais je ne m’en irais / Oh, tout s’embrase / Oh, tout s’embrase » ; « J’ai besoin mon Dieu de ta superbe, ma lointaine » ; « Il me faut de ta lumière ». L’émotion culmine quand les synthés deviennent un peu discordants, comme dans « Pompéi », quand la fragilité ressentie s’assimile à celle d’un androïde perdu à travers des sentiments dont il ne connaît plus l’origine. C’est que, comme Deckard, le bladerunner du film, qui est un androïde, et qui ne l’est pas ? Y a-t-il un fantôme dans la coquille ?

IV est peut-être un peu trop cohérent, un peu trop forcé (le « cul » de « Silvaplana »), un peu trop référencé. Le sourire est absent, mais le post-apocalyptique est rarement drôle. Chez Arman Méliès, il est envoûtant (le superbe « Arlésienne ») et empli d’une mélancolie, dont, encore une fois, il semble le maître. « L’absinthe d’après les combats / A englouti nos belles échappées » et il ne reste qu’à écouter sa musique, accablé comme si on avait perdu la personne qui nous était la plus proche, transi comme si on découvrait un monde inconnu et futuriste.bub

Marc Urumi

bub

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Arman Méliès / IV

Date de sortie : 25 mars 2013

 

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