Bellflower
Evan Glodell

DeterreAu-delà de son statut d’ovni labélisé Sundance, Bellflower vaut surtout pour sa mise en scène, écrasée par le soleil californien, et l’histoire d’amour qu’elle illustre. Cette dernière est contaminée par la lumière aussi vivifiante qu’étouffante qui préside sur cette bourgade de Californie. L’éblouissement permanent qui sévit sur la côte ouest des États-Unis n’épargne pas ses protagonistes non plus, aussi bien abrutis à l’extérieur qu’éclairés de l’intérieur.

Ce n’est pas pour rien que la commune de Bellflower a donné son titre au film d’Evan Glodell, tant le décor y joue l’un des rôles principaux. À Bellflower le soleil bouffe le temps, l’espace et il n’y a visiblement rien à faire si ce n’est gober des insectes le samedi soir, entre deux cuites, et ruminer ses souvenirs d’ado. Pour Woodrow et Aiden, cela passe par la reproduction du bolide de Mad Max et la création d’un lance-flammes, en prévision d’une éventuelle apocalypse. D’apocalypse il n’y aura pas, même si le climat très chaud et très sec n’est pas sans évoquer celui de L’Étoile Mystérieuse de Tintin, qui est, pour le coup, un vrai récit eschatologique. Mais si l’on devait associer ce premier film à des livres déjà lus ce serait plus probablement ceux de Fante père et fils, dans lesquels on retrouve le cadre de la ville de la côte Ouest et la même oisiveté désabusée.

Le microcosme de Bellflower subit le même double effet Kiss Cool du soleil : d’apparence dénués de tout amour-propre, de toute culture (leurs jeux, à base d’insectes donc, mais aussi d’explosions de bouteilles de gaz et autres concours de cul-secs, sont parfaitement débiles), les personnages principaux révèlent en fait une vraie lumière intérieure. Comme cet amour éthéré que vivent dans les premiers temps Woodrow et Milly. Comme cette amitié sans faille, fusionnelle, que porte Aiden à Woodrow. Tout ce petit monde semble donc au premier abord totalement ahuri, mais ils deviennent tous attachants par la pureté des sentiments qui tranche rapidement avec la façade peu reluisante.

La clique de Bellflower est à l’image de la photo du film : aux contours un peu grossiers (parfois, la mise au point est volontairement approximative) mais très personnelle et rayonnante. Et pour mieux faire ressentir cette « attaque » de lumière et les conséquences qu’elle peut avoir sur les personnages, Evan Glodell a irradié sa pellicule, provoquant parfois des zones de flou comme celles que l’on peut parfois voir s’élever du goudron lors des grandes chaleurs estivales. Il s’octroie aussi le droit d’user encore et encore de ralentis, ailleurs souvent ridicules, ici parfaitement à propos tant ils renvoient habilement à la sensation d’indolence qui s’empare de nous lorsque l’on est trop longtemps exposé aux rayons UV.

Les nuits sont courtes dans le quartier et ces jeunes gens ont peu du temps pour se reposer de cet assaut lumineux qu’ils subissent au quotidien. Quand la folie apparaît, le temps de bastons généralisées, de pétages de plomb hallucinés, elle ne surprend donc qu’à moitié. Mais même dans ces moments de dérapage, Woodrow, Aiden, Milly et les autres restent égaux à eux-mêmes : à la fois terriblement rustres et férocement flamboyants. C’est cette dualité, personnifiée et imagée, qui fait toute la puissance de Bellflower.

François Corda

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Bellflower d’Evan Glodell (Etats-Unis ; 1h31)

Date de sortie : 21 mars 2012

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