2 DAYS IN NEW-YORK
Julie Delpy

bubDuelAprès s’être écharpés à propos de A Dangerous Method de David Cronenberg, s’être conspués au sujet de Dernière Séance de Laurent Achard, Jacques et François se lancent dans un troisième duel concernant le nouveau film de Julie Delpy sorti il y a presque un mois. Ou quand les notions d’improvisation et d’osmose se mêlent aux flaques…

François Corda : Jacques, à propos du Skylab, tu disais avec enthousiasme que Julie Delpy y proposait le geste adéquat à son sujet. Tu dirais la même chose pour 2 Days in New York sorti il y a un mois ?

Jacques Danvin : Non, je serais plus mesuré. Même si les thématiques des deux films sont assez proches, et qu’on retrouve des procédés de réalisation communs, j’ai le sentiment que dans son nouveau film Julie Delpy tourne autour de son geste de réalisation sans jamais vraiment le trouver. Il y a en fait comme un côté bricolé et formellement inconstant qui l’empêche de faire mouche sur la durée. Ceci dit, cela n’enlève rien au charme général qui se dégage de 2 Days in New York, c’est une bonne comédie. Certaines scènes sont vraiment réussies. Je pense par exemple au changement de la couche.

FC : Cette scène-là en effet, mais je pourrais en citer quantité d’autres, notamment celle de l’ascenseur. Je vois ce que tu veux dire par «  bricolé » : l’économie de moyens (tout ou presque se passe dans l’appartement), les marionnettes, l’absence d’enjeux et de scénario… Moi j’ai trouvé ça rafraîchissant au contraire, plein de vie. Et surtout très déluré ! Il y a beaucoup d’impudeur et de gags « hénaurmes » dans 2 Days in New York mais paradoxalement ce n’est jamais vulgaire parce que très bien écrit.

JD : Attends : que veux-tu dire par « très bien écrit » ? Sauf erreur de ma part, ce film fait partie de ceux qui s’écrivent aussi en cours de tournage, au gré de l’improvisation, où c’est surtout la trame qui est posée en amont. Tu seras d’accord je pense pour dire qu’il y a nombre de dialogues qui ont la « fraîcheur » et l’énergie d’un peu d’impro, comme celle du dialogue de sourds dans la cuisine entre le père franchouillard Jeannot et son gendre américain Mingus. C’est une des raisons pour lesquelles on peut dire que ces scènes ne semblent pas « écrites ». De plus, je ne suis pas certain que le départ précipité de Manu, le copain beauf de la sœur était prévu à l’origine. Quand on l’apprend dans le cours du film ça sonne surtout comme une adaptation scénaristique nécessaire pour rééquilibrer les forces en présence.

FC : Par « bien écrit » j’entends bien dialogué. Je ne parle pas du scénario effectivement, qui, lui, tient sur quelques lignes. J’ai aimé la limpidité de l’écriture, l’évidence parfois un peu téléphonée. Et tant mieux si ces dialogues sont issus de l’improvisation, c’est une preuve supplémentaire du talent et de l’osmose des acteurs ! D’ailleurs, c’est précisément cette spontanéité, cette naïveté qui font que même les situations les plus extrêmes paraissent crédibles. Je pense notamment au moment où Julie Delpy annonce à sa voisine qu’elle a un cancer en phase terminale. C’est too much évidemment, mais il y a un truc, ça passe. Sans doute parce qu’on voit l’actrice prendre du plaisir à dire des conneries plus grosses qu’elle. Bref, il y a quelque chose de clairement régressif derrière tout ça et je trouve ça assez jouissif. Tu n’as pas eu l’impression de voir des gamins s’amuser à sauter dans des flaques ?

JD : Si, sauter dans les flaques ou rayer la carrosserie des grosses bagnoles, c’est vrai que dans l’ensemble ça parvient à être drôle. C’était déjà un des ressorts principaux de 2 Days in Paris, d’ailleurs. Mais je suis convaincu d’une chose, c’est que ce côté régressif chez Delpy n’est jubilatoire que s’il est mis en tension avec une question opposée : celle de la responsabilisation de l’adulte qui vieillit, qui construit sa vie et négocie avec son passé. A mon avis cette tension est très présente et assez productive dans 2 Days in Paris, et proche de la perfection dans Le Skylab. Dans 2 Days in New York, je trouve que l’équilibre est trop instable, ce qui malheureusement rend le film un peu fatigant à la longue. J’imagine que tu ne seras pas d’accord avec moi si je dis que trop d’excès nuit à la vraisemblance, et à la justesse des situations…

FC : Ah Jacques tu me connais par cœur ! Je trouve effectivement qu’il y a une petite vérité qui ressort de tous ces scènes et caractères un peu grotesques. De la liberté aussi. Bien sûr tout cela est exagéré et pourtant, selon moi, ça sonne terriblement juste. De voir l’actrice et son père réinterpréter leurs propres rôles au cinéma a quelque chose de troublant, par exemple. C’est aussi un beau témoignage de complicité et d’affection. Et pour tout te dire, quand j’ai vu 2 Days in New York je ne me suis pas posé la question de la gravité parce qu’elle est inscrite en filigrane dès le début. Une séparation, un décès, c’est la toile de fond du film même si, je suis d’accord, l’accent est d’abord mis sur le comique. Mais ce que je ressors de cette discussion en tout cas, c’est que tu me donnes envie de voir 2 Days in Paris et le Skylab que j’ai ratés lors de leurs sorties respectives ! Parce que s’ils sont meilleurs que 2 Days in New York, et en plus dans le même style, ça va me plaire !bub

Jacques Danvin et François Corda

 

bub

———

2 Days in New York de Julie Delpy (France, Allemagne, Belgique ; 1h35)

Date de sortie : 28 mars 2012

bub

gg

Comments
  • Wilyrah

    C’est une déception. Delpy d’habitude assez inspirée tombe beaucoup trop dans la vulgarité et la facilité. C’est dommage. Mais gageons qu’elle changera de disque pour ses prochains métrages.

Commencez à écrire et validez pour lancer la recherche.