Melancholia
Lars Von Trier

EnterreMelancholia de Lars Von Trier est un objet qui ne donne pas vraiment de prise. Ce n’est pas une œuvre généreuse. Difficile de l’appréhender, de trouver un levier qui soit solide, de dénicher dans la pelote un fil costaud sur lequel tirer. Cet objet de cinéma est comme la planète menaçante dans l’histoire, toute ronde, d’un beau bleu indéfinissable, légèrement métallique, lumineux et doux. C’est une planète dont tous les reliefs sont en trompe-l’œil, une surface lisse et convexe qui se limite strictement à ce qu’on en voit.

Melancholia est une petite œuvre qui par moments se la joue comme une grande. Les ralentis du prologue ne sont pas une audace stylistique, mais une astuce rhétorique pour donner l’impression que la suite du film donnera le chiffre d’une énigme. Il n’y a pas d’émotion positive à partager, pas de foi, mais du malaise, du désespoir sans issue, un grand vacillement inquiétant. Certains choix très impressionnants de prime abord sonnent finalement comme des aveux d’échec. Wagner n’était pas nécessaire pour dramatiser une mise en scène qui par ailleurs recherche la nudité la plus totale pour faire émerger une intériorité aux personnages. Ou encore la pseudo prescience de Justine ne réclamait pas une discussion théorique même courte entre les deux sœurs pour asséner une conclusion morale un peu facile et déprimante. Enfin, il n’est pas sûr qu’il y ait une grande actrice à consacrer dans ce film, mais plutôt une Kirsten Dunst qui a très bien joué le jeu d’un rôle taillé pour une performance d’acteur.

La dernière œuvre de Lars Von Trier est donc comme sa planète. C’est une image de synthèse vraiment parfaite. Si parfaite que son incrustation dans le plan requiert qu’on y ajoute des effets de réel parfaitement parfaits : ces artefacts bleus qui bougent au rythme du cadre, ces artefacts bleus à la surface de l’image que le système de lentilles de la caméra est censée générer quand on s’en sert pour filmer une lune bleue de face. De même, le film Melancholia est une image de synthèse. Ou plutôt du cinéma de synthèse dont la perfection affichée requiert du sérail cinématographique un accueil qui soit son effet de réel, son artefact bleu parfaitement parfait. C’est pour ça que la critique spécialisée en fait une montagne de ce film. Sauf que cette montagne n’a pas d’autre versant, la planète en question n’a pas de véritable côté obscur qu’il faudrait éclairer.

La seule chose qu’il y ait en creux de cette mélancolie, c’est le renoncement. Renoncement à la foi, à l’espoir. Renoncement de Justine à savoir profiter du monde, de la vie qui vient de l’autre, de l’extériorité. Renoncement de John à affronter la mort qui vient de l’extérieur aussi. Renoncement de Claire à vouloir choisir comment affronter cette fin qui vient. Lars Von Trier a dû renoncer aussi à quelque chose dans cette affaire. Peut-être à la possibilité de retrouver un peu d’espérance par le cinéma. Ou à la possibilité de représenter sans chichi une mort digne et sobre qu’on choisit. Pour tout cela au moins Melancholia est non seulement une petite œuvre, mais aussi une impasse, une fin de voie. Car ce n’est pas le renoncement qui peut soulever des montagnes. C’est la foi.

Jacques Danvin

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Melancholia de Lars Von Trier (France, Danemark, Suède, Allemagne ; 2h16)

Date de sortie : 10 août 2011

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