LES AVENTURES DE TINTIN : LE SECRET DE LA LICORNE
Steven Spielberg

EnterreLa parenté entre la bande dessinée et le cinéma est réelle. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que beaucoup de films ont leur story-board, c’est-à-dire l’histoire et les plans couchés sur papier avant que la première scène ne soit tournée. Les deux arts conjuguent la science du mouvement, du dialogue, de la mise en scène des événements. Et à bien y regarder, cette parenté est encore plus évidente entre Hergé et Spielberg : mêmes soucis du rythme, de la fluidité narrative, des différents degrés de lecture. Les films de l’américain, comme les livres du belge s’adressent à un public de 7 à 77 ans. Par conséquent la rencontre entre ces deux géants ne pouvait, ne devait pas être anodine.

C’est pourtant le cas : à la fois trop et pas assez respectueux de la bande dessinée, ce premier épisode ne tranche jamais. Et le procédé de motion capture n’arrange rien. S’il est indiscutablement bien réalisé, cela ne fait que nous conforter dans l’idée qu’il est impossible de savoir s’il s’agit d’un film de Steven Spielberg, ou d’une œuvre un peu bâtarde d’Hergé que l’on relirait sur grand écran. Les Aventures de Tintin, c’est finalement le constat amer d’une incapacité de l’américain à sortir du monde du belge pour réaliser quelque chose de personnel. Tous les ressorts comiques sont empruntés à la BD (des mésaventures des Dupondt, aux cris suraigus de la Castafiore en passant par les délires éthyliques d’Haddock), et l’histoire n’est qu’une suite de séquences déjà connues agencées dans un ordre différent, façon puzzle. Mais un puzzle dans lequel les pièces ne se complèteraient pas tout à fait, d’où l’impression d’un grand désordre narratif.

Le film souffre également d’un évident trop-plein. Quelle curieuse idée que d’avoir mélangé plusieurs bribes d’albums (Le Crabe aux Pinces d’Or, Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rakham le Rouge) plutôt que d’en avoir adapté un seul ! Comme si l’américain avait voulu rattraper en un film tous ceux qu’il aurait pu faire depuis 1983, date à laquelle le projet lui est venu en tête, et qui n’a cessé d’être repoussé. Quand on connaît le don de conteur d’Hergé, capable de compiler dans un seul volume une densité impressionnante d’événements et de personnages, cela semble aberrant d’avoir voulu piocher dans trois tomes différents quand un seul aurait largement suffi.

On ne peut que regretter ce manque d’audace du réalisateur au vu des escapades, toujours réussies, mais trop rares, dans son propre univers. Que ce soit la traversée mouvementée de Tintin dans les hauteurs de Bagghar, l’abordage des bateaux au temps de l’ancêtre d’Haddock, le duel entre Saccharine et le capitaine, rejoué deux cents ans plus tard avec des grues en guise d’épées géantes, le réalisateur prouve dans ces quelques scènes qu’il n’a pas son pareil pour donner ses lettres de noblesse au cinéma d’action et d’aventure. Un cinéma de l’imagination, de l’ingéniosité. Dans ces moments on se prend à rêver de ce qu’aurait pu faire un Spielberg moins frileux, sans doute paralysé (et on peut le comprendre) par une mission quasi impossible : rendre honneur sur grand écran à un mouvement artistique, un auteur et un personnage à la fois tellement proches du septième art, et du sien en particulier. Faire de Tintin autre chose qu’un personnage de papier : un héros spielbergien.

François Corda

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Les Aventures de Tintin : le Secret de la Licorne de Steven Spielberg (Nouvelle-Zélande, Etats-Unis ; 1h47)

Date de sortie : 26 octobre 2011

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