PROLAPSE
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FocusProlapse c’est une histoire de couple compliquée, qui commence comme un combat et se termine, après quatre albums et quelques années d’existence, dans l’apaisement. Quatre disques et autant de champs de bataille instrumentaux sur lesquels les deux voix de Lynda Steelyard et Mick Derrick vocifèrent, dialoguent ou monologuent. Le post punk de Prolapse est à la fois brut et lyrique, tiraillé entre le bruit et la pop : il est toujours le pendant de la relation entre ses deux chanteurs.

Les quatre musiciens de Leicester sont les artilleurs, ceux qui mettent le feu aux poudres ou l’éteignent au gré des humeurs de Steelyard et Derrick. Comme dans n’importe quelle guerre celle-ci a commencé dans la tension avec Pointless Walks to Dismal Places (1995) : les lignes de basse tendues, les guitares acérées soulignent une discorde alors seulement naissante entre les deux protagonistes. Lynda Steelyard se fait d’abord bousculer, écraser par la fougue et l’accent prolétaire de Mick Derrick. Mais son chant angélique sait très vite se faire une place dans le registre des hurlements et autres cris aigus.

Seulement un an plus tard la violence explose : la basse dans Back Saturday (1996) pilonne tel un char d’assaut, les guitares agonisent entre larsens déchirants et réverbérations fatiguées ; le duel vocal passe alors ici au second plan. Back Saturday c’est la guerre totale, un hymne instrumental frénétique à l’apocalypse dans lequel la négociation, même brailleuse, n’a guère de place.

Puis un vent frais agite un drapeau blanc, entouré pour l’occasion de vert et de rouge. Vert pour l’espoir dessiné par la voix de Lynda Steelyard, plus calme et sensuelle que jamais. Rouge parce que Mick Derrick semble lui toujours en colère, écorché à vif. Est-ce le vaincu ? On ne sait pas, mais les guitares ont en tout cas choisi le camp féminin : les mélodies sont plus séduisantes. Alors certes le combat n’est pas encore fini, les rythmiques sont enlevées, les distorsions présentes. Mais un certain optimisme se dégage des couleurs et des mélodies de The Italian Flag (1998).

Optimisme de courte durée puisque Ghosts of Dead Aeroplanes (1999) porte bien son nom : ce sont bien des fantômes que l’on y entend, ceux d’une guerre désormais achevée. Les deux protagonistes semblent enfin apaisés, ne hurlent plus, ils font jeu égal. De même pour les instruments, qui semblent épuisés par tant d’excès, d’énergie dépensée. Ce sont les ruines du punk que l’on contemple sur ce dernier album : les riffs de guitare se font rares, seule la batterie martèle encore mais elle semble le faire dans du coton, tout comme la basse, plus ronde que jamais. Ghosts of Dead Aeroplanes est duveteux comme un tapis de cendres après l’incendie. L’agressivité d’antan s’est éteinte au profit d’un psychédélisme décharné. Et parce qu’il y avait tout à reconstruire, Prolapse s’est arrêté. On ne pouvait pas en attendre moins d’un groupe aussi belliqueux !

François Corda

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