Un été brûlant
Philippe Garrel

EnterreAvec Un Eté Brûlant, Philippe Garrel signe en 2011 une œuvre exaspérante à double titre. D’abord exaspérante à regarder, car tout y stagne, se répète et s’empêtre dans une introspection systématique. Et ensuite exaspérante dès lors qu’on retrouve la complaisance d’un projet esthétique basé sur le naufrage. En effet Garrel dans Un Eté Brûlant joue à refermer et rouvrir une cicatrice qu’on sait ancienne, en se servant du cinéma comme d’un simple instrument.

Que ce soit le récit ou que ce soit sa mise en scène, tout le film est pris dans un mouvement stérile proche de l’involution. Ainsi l’histoire commence là où elle se termine, avec la mort de Fred qui se suicide de désespoir après avoir perdu la femme qu’il aime, Angèle. Entre ce début et cette fin, un flash-back décousu relate sur un rythme lâche le développement psychologique du drame amoureux. Ce qui brûle, c’est la passion amoureuse et destructrice d’un artiste égocentrique et paranoïaque. Ceux qui s’y brûlent, ce sont ses proches, obligés de s’éloigner pour ne pas sombrer avec lui. Angèle en premier lieu, ensuite Paul et Elisabeth. Ceux qui se sauvent comptent peu finalement, ils s’éloignent trop de ce qui fait souffrir. Et comme alors ils n’apportent rien à la déréliction du démiurge, ils deviennent négligeables. En témoigne le traitement du bonheur du narrateur à Paris qui demeure anecdotique, ou la cruauté discrète de ne pas accorder à Angèle le droit de vivre une histoire stable.

Afin de toucher ce qui brûle avec un sourire ambigu et retirer la main une fois que la douleur se fait sentir, Garrel opte pour un dispositif de réalisation qui s’avère significatif et que le cas particulier du cadre résume bien. Sans aucun autre hors-champ que ce que réclame la situation immédiate, c’est l’image que l’on voit qui doit suffire, telle qu’elle est montrée et selon ce qu’elle montre. Le choix de filmer caméra à l’épaule et sans steadycam produit un cadre un peu heurté et a priori dynamique dans lequel pourtant les acteurs semblent rechercher de la spontanéité dans l’improvisation, cette spontanéité dont ils sont privés par les parties les plus écrites du scénario et par l’histoire elle-même. En fait, dans certaines limites Garrel semble donner les clefs du camion aux acteurs pour insuffler un peu de joie ou du vivant. Comme s’il leur demandait de l’aide à eux aussi, attendait d’eux un appel d’air. Mais en même temps il les coince dans des actions privées de tout héroïsme et de grandeur, triviales le plus souvent. Il se garde bien de leur faire totalement confiance. Toucher. Retirer. Toucher. Retirer.

A ce petit jeu seuls quelques rares moments parviennent à s’extirper d’une langueur qui devient terrifiante quand on l’observe de loin. Car c’est à une lente dépression douce que Garrel nous invite. Quelqu’un est en train de sombrer sous vos yeux, regardez. Et le plus terrifiant, c’est d’imaginer que la personne qui sombre appelle à l’aide seulement pour vérifier que sa souffrance est toujours là, centrale, inévitable. Fondatrice. Mais sourde surtout.gg

Jacques Danvin

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Un Eté brûlant de Philippe Garrel (France ; 1h35)

Date de sortie : 28 septembre 2011

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