BLACK BOOK
Paul Verhoeven

EnterrePas de doute, Black Book (2006) est bien le fruit de l’esprit de Paul Verhoeven. On y retrouve les éléments habituels d’un univers singulier, dont certains pourraient être résumés par le titre de l’un de ses premiers films : La Chair et le Sang (1985). Sexe, violence, il semble que pour Verhoeven l’un ne va pas sans l’autre. A quoi s’ajoute l’autre récurrence de son cinéma, cette faculté de maquiller l’élément politique d’un fard entertainment. Black Book n’échappe pas à cette règle. Mais si le film réunit bien ces trois composantes, il ne parvient pourtant pas à donner l’impression que son sujet se prêtait si bien au monde de Verhoeven. Ou inversement.

Dans Black Book il est question de la fin de la seconde guerre mondiale, période qui a déjà été (trop ?) traitée par nombre de documentaires et autres longs métrages de fiction. Que peut alors apporter le regard acide du néerlandais sur un sujet aussi balisé ? Sans trop de surprises, Verhoeven, cinéaste provocateur, a choisi de relater des faits troublants qui échappent à la lecture simpliste de cette époque : oui il y avait des nazis capables d’aimer, oui certains résistants étaient de vrais salauds. Et dans Black Book, où se joue la confusion humaine parmi tous les possibles, une femme s’éprend de l’un de ses bourreaux potentiels. Il s’agira malheureusement du seul élément déroutant et singulier de ce projet ambitieux : c’est bien peu, surtout en regard d’une galerie de personnages dont les ambiguïtés, quand elles existent, ne reposent que sur des astuces de scénario quelque peu prévisibles.

C’est d’autant plus frustrant que sur le plan de la brutalité et de la sauvagerie, domaine de prédilection de Verhoeven, ce dernier est égal à lui-même : scènes d’action brillantes, rythme haletant, scènes choc (Rachel couverte de merde par les méchants résistants, scène d’une cruauté rare)… Tous les ingrédients sont là pour passer un « bon » moment, y compris un humour percutant et inattendu : l’imitation potache d’Hitler par l’un des résistants, Rachel qui se teint le pubis en toute décontraction, tout cela est sans complexe et parfaitement réjouissant. Mais parce que la double lecture de Black Book est, pour une fois chez Verhoeven, un peu simpliste, les ficelles d’un scénario parfois alambiqué, voire complètement tiré par les cheveux (les twists qui n’en finissent plus de tourner, les ellipses grossières) apparaissent au grand jour et enrayent la machine hollywoodienne.

Avec un peu de recul, il est en fait surprenant qu’un réalisateur comme Verhoeven, plus caricaturiste pamphlétaire que portraitiste, se soit attaché à une histoire qui demandait précisément une grande finesse de traits, notamment pour faire avaler cette histoire d’amour improbable entre Rachel et le chef SS Müntze… Le cinéma de Verhoeven est généralement éclairé, mais il semble que ses atours brutaux ne conviennent pas au sujet de Black Book.

François Corda

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Black Book de Paul Verhoeven (Royaume-Uni, Belgique, Allemagne, Pays-Bas ; 2h25)

Date de sortie : 29 novembre 2006

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