ESSENTIAL KILLING
Jerry Skolimowski

EnterreDécidément il semble que cinéma d’auteur et le genre bis n’aient rien à faire ensemble. Les médias présentent volontiers Essential Killing comme un survival prenant, et on se retrouve avec un documentaire assez mou sur la faune et la flore de la forêt polonaise. Déception.

Tout commence plutôt bien avec une immersion dans le désert afghan qui laisse penser que le réalisateur a su s’approprier les codes du genre tout en s’appuyant sur des mouvements de caméra superbes : le jeu entre ce qui se passe au sol (des démineurs qui surprennent un taliban parqué dans une grotte) et dans les airs (un hélico qui patrouille en soutien) est haletant, parfaitement mis en scène. Les minutes qui s’ensuivent, de la capture à l’emprisonnement en passant par l’interrogatoire et le transport des prisonniers vibrent au même rythme, frénétique, qu’un film d’action haut de gamme.

Commence alors la traque, traque dans laquelle on place alors tous ses espoirs au vue de cette exposition haute en couleurs. Espoirs fondés et contentés jusqu’à ce que Vincent Gallo ait semé ses adversaires. Dès lors, il ne semble plus y avoir aucun autre enjeu que celui de filmer cette nature, soit superbe, mais dont les pièges, qui font pourtant tout le sel d’un survival, sont tous effleurés voire carrément contournés scénaristiquement. La nature, seule ennemie de Mohammed, est alors plus propice à des hallucinations pénibles qu’à une suite de péripéties. Ces images surexposées (pour ne pas dire laides), qui se veulent sans doute réflexives et poétiques, sont tout à fait vaines, d’autant plus que le récit s’est alors déjà complètement délité dans une sorte de trip mystique parfaitement muet.

C’est d’ailleurs l’un des autres problèmes de taille d’Essential Killing: Vincent Gallo, acteur extrême et imprévisible, aurait dû en être l’un des effets spéciaux. Or, Jerzy Skolimowski a décidé de ne lui donner aucune ligne de dialogue. Et très vite, ces plans répétés et interminables sur son visage contrit et son corps brinquebalant, comme ce mutisme forcé (personne n’est dupe, et du coup le personnage d’Emmanuelle Seigner, également muet, n’en est que plus artificiel) deviennent très irritants. Tout est sacrifié sur l’autel d’un esthétisme, certes indiscutable (à l’exception de ces visions naïves donc), mais qui bouffe tout sur son passage, des pics de violence, trop sages, en passant par les moyens entrepris pour survivre, comme de la réflexion possible sur sa condition d’être traqué.

Ajoutez à cela une musique stridente, particulièrement crispante, et voilà qu’Essential Killing, sur son dernier tiers, devient simplement une expérience difficile qui tombe dans les travers de l’auteurisme élitiste et sûr de sa force. Quel dommage car l’identification possible au calvaire de l’une des plus grandes bêtes noires occidentales, le terroriste religieux, aurait pu faire dEssential Killing bien plus qu’un simple survival efficace (ce dont on se serait contenté d’ailleurs)…ub

François Corda

 

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Essential Killing de Jerzy Skolimowski (Pologne, Irlande, France, Norvège, Hongrie ; 1h23)

Date de sortie : 6 avril 2011

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