Un Prophète
Jacques Audiard

EnterreLe consensus vaseux régnant autour d’Un prophète (bruit assourdissant à Cannes mais prix pourri, critiques ordinairement méchants qui ravalent bien vite leur langue) en dit long sur l’état moribond de la série noire française. Il suffit de voir le semi échec de Mesrine, le succès public qui entoure n’importe quelle sortie de l’abominable Olivier « US » Marchal en France pour se convaincre que ça va pas bien.

Heureusement (?), Jacques  Audiard, lui, y croit encore. Il faut dire qu’on lui a bien ciré les pompes depuis De battre mon cœur s’est arrêté, joli numéro, éblouissant, mais dont le souvenir, quelques années après, est rikiki. Alors, qu’en est-il de ce Prophète ? Déjà, il faut le dire, on ne comprend pas la moitié de ce qui se trame. Mon dernier audiogramme étant plutôt réglo, j’ai par exemple été très surpris, dès les premières minutes, de ne comprendre qu’un dialogue sur deux. Ça marmonne, ça marmonne à n’en plus finir, Arestrup en tête, qui semble avoir contaminé toute l’équipe d’acteurs jusqu’à l’ingé son. Impression sans cesse confirmée pendant plus de deux heures, où l’on se sent obligé de tendre l’oreille pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants d’une histoire qui semble se traîner dès lors que le principal enjeu dramatique du film est réglé (tuera ou tuera pas, le bleu ?).

Le plus curieux est que l’on ne s’ennuie pas. Ça c’est le vrai mystère d’Un prophète. Est-ce Tahar Rahim ? Non. A force de trop se rêver en Delon 2000, il en vient presque à agacer. Sont-ce les personnages secondaires ? Peut être… Bien que, encore une fois, Arestrup ne soit pas franchement convaincant (en dépit d’une sortie magistrale). Mais Ryad et Jordi le Gitan restent assez fascinants, quand bien même ils ne sont malheureusement qu’esquissés. Eux sont des mystères à eux tous seuls. Ils (ré)animent le film, de par la marginalité de l’un, de par le désespoir insouciant de l’autre. Et puis, on se laisse conduire par cette ambiance de documentaire façon « striptease ». Finalement la petite force d’Audiard, ici, c’est de parvenir à nous inclure dans ce monde fermé, de nous y faire vivre un peu quand on sait que c’est un lieu proprement inaccessible, presque sacré.

L’ombre de Melville plane malgré tout sur Un prophète comme un oiseau de mauvais augure, nous rappelant sans cesse la virtuosité, la limpidité et la sobriété de ses chefs-d’œuvre. Car, au final, on n’aura même pas été épisodiquement ébloui (aveuglé ?) par le « style » Audiard, juste effleuré. Après tout Malik peut bien devenir ce qu’il veut, se repentir ou pas, on s’en moque : il n’est en fait qu’un misérable Tony Montana, même pas prêt à faire rêver les kékés, même pas fou ou mégalo. Il est simplement banal, et cela semble bien regrettable pour un prophète.bub

François Corda

bub

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Un Prophète de Jacques Audiard (France, Italie ; 2h35)

Date de sortie : 26 août 2009

bub


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